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Une farce infernale Paris Athénée - Théâtre Louis-Jouvet 12/13/2025 - et 16, 18 (Tours), 29, 30 (Reims) novembre, 14*, 17, 19, 20 décembre (Paris) 2025 Hervé : Le Petit Faust Charles Mesrine (Faust), Anaïs Merlin (Marguerite), Mathilde Ortscheidt (Méphisto), Igor Bouin*/Philippe Brocard (Valentin), Maxime Le Gall (Patrick Lepion)
Les Frivolités Parisiennes, Sammy El Ghadab (direction musicale)
Sol Espeche (mise en scène), Oria Puppo (scénographie), Sabine Schlemmer (costumes), Aurélie Mouilhade, Karine Girard (chorégraphie), Simon Demeslay (lumières)
 (© Christophe Raynaud de Lage)
Déjà donnée en novembre à Tours, puis Reims, la nouvelle production du Petit Faust (1869) d’Hervé fait étape à l’Athénée pour les fêtes de fin d’année. C’est là une occasion finalement assez rare d’apprécier la musique aussi piquante qu’enjouée de ce rival et ami d’Offenbach, dont peu de titres ont été montés ces dernières années, tels Les Chevaliers de la Table ronde en 2015 ou Mam’zelle Nitouche en 2019.
Avec Le Petit Faust, on tient l’un des derniers survivants d’un genre en grande partie oublié, celui des parodies d’ouvrages sérieux à succès : particulièrement en vogue au XIXe siècle, ces pièces en forme de farce se situaient à mi‑chemin entre opéra‑comique, vaudeville et opérette, avec incorporation d’extraits musicaux de l’ouvrage moqué. Pour autant, c’est surtout le livret qui en prend pour son grade, en ridiculisant Faust en vieillard libidineux et obnubilé par sa seule dulcinée (alors qu’il pourrait prétendre à bien davantage de conquêtes féminines). Marguerite, quant à elle, devient une gamine impertinente et frivole, tandis que le diable prend les traits et la voix d’une femme. En tant que lieu de l’action, l’Allemagne n’est pas oubliée, notamment lors d’un air volontairement lourd, aux accents campagnards. De même, l’Angleterre est moquée avec le retour de Valentin : est‑ce là une allusion à l’ajout du superbe air « Avant que de quitter ces lieux », composé par Gounod pour la première britannique de l’ouvrage, à Londres en 1863 ? Quoi qu’il en soit, on peut parfaitement apprécier le spectacle sans connaître ces subtilités, du fait du choix d’une transposition des événements pour moquer la niaiserie des jeux télévisées et des grands shows de variété des années 1980.
Cette idée étonnante est développée par Sol Espeche, que l’on a pu découvrir en 2023 dans une production déjantée, donnée à l’Athénée déjà, Coups de roulis d’André Messager. Dans ces mêmes lieux, elle s’est aussi illustrée en tant que comédienne dans la production d’Ubu Roi de Claude Terrasse, l’an passé. Avec des dialogues revus et modernisés, Espeche nous embarque dans une satire haute en couleur, d’une énergie survitaminée, sans doute excessive sur la durée. Quelques scènes souffrent de ce traitement au vitriol, à l’instar de la Chanson de la puce, dont on peine à percevoir la férocité de l’allusion (ou plus précisément la paronomase) pour ces riches messieurs avides de cocottes à la chair fraîche. On pourra aussi s’agacer de l’insistance sur les penchants pédophiles supposés de Faust, heureusement contrebalancée par des audaces plus en phase avec le cocktail général de fantaisie bon enfant.
Le plateau vocal est dominé par le brillant Méphisto de Mathilde Ortscheidt, dont les graves mordants et la projection aisée constituent des atouts décisifs pour servir son aplomb théâtral. On aime aussi le Faust à l’émission claire et articulée de Charles Mesrine, tandis qu’Anaïs Merlin et Igor Bouin ne sont pas en reste dans l’abattage scénique. Tous les seconds rôles sont au diapason de cette joyeuse bonne humeur, bien épaulés dans la fosse par le geste attentif et souple de Sammy El Ghadab, à la tête des toujours excellentes Frivolités Parisiennes.
Florent Coudeyrat
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