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L’avant-garde britannique München Herkulessaal 12/12/2025 - Oliver Knussen : Choral
Clara Iannotta : Concerto pour piano “The purple fuchsia bled upon the ground”
George Benjamin : Concerto pour orchestre
Harrison Birtwistle : Deep Time Pierre-Laurent Aimard (piano)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, George Benjamin (direction)  P.-L. Aimard, G. Benjamin (© BRmusicaviva/Astrid Ackermann)
En dépit d’une programmation munichoise particulièrement dense ces derniers jours, avec pas moins de trois concerts de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise sous la direction d’Andris Nelsons, suivis de trois représentations à l’Opéra sous la baguette de Kirill Petrenko, la Herkulessaal affichait de nouveau une belle affluence pour cette soirée consacrée à la musique britannique contemporaine.
Elle s’ouvrait avec Choral, une pièce tardive d’Oliver Knussen, disparu en 2018, qui recevait sa première en Allemagne. Ecrite pour une formation de vents complétée de percussions et contrebasses, l’œuvre déploie un univers sonore d’une grande subtilité. Les percussions, remarquablement discrètes, apportent des touches de couleur sans jamais s’imposer. Les cuivres construisent des blocs compacts de son, aux contours nets, tandis que les bois animent la texture par leur mobilité et leurs échanges agiles. L’écriture spatiale crée des effets de « chœurs » changeants, selon les termes du compositeur, qui évoquent ces mondes utopiques que Knussen aimait tant explorer. Une très belle œuvre qui révèle toute la maîtrise de ce compositeur britannique trop tôt disparu.
Le Concerto pour piano de Clara Iannotta, créé en 2024, est donné ici en présence de la compositrice. Le titre évocateur, The purple fuchsia bled upon the ground, emprunté à un poème irlandais, annonce une démarche résolument expérimentale. L’œuvre explore la matérialité du son avec une orchestration singulière qui intègre guitare électrique, piano Midi et accordéon, accompagnés de passages électroniques évoquant parfois des chants d’oiseaux.
Au piano, Pierre-Laurent Aimard navigue avec conviction entre les graves martelés et les cordes pincées à la limite de l’audible, démontrant son engagement total pour cette musique contemporaine exigeante. Un moment saisissant, tout au moins visuellement, était sans doute cette séquence où les altistes frottaient leurs archets sur du polystyrène, créant une texture sonore inédite. La musique, assez cinématique par moments, alterne passages orchestraux intenses et interventions électroniques, dans une dynamique qui ne laisse aucun répit.
Si le résultat est indéniablement fascinant et témoigne d’une recherche sonore poussée, l’œuvre reste avant tout expérimentale, davantage un laboratoire de nouvelles possibilités qu’une partition qui s’impose d’emblée à l’écoute. Le discours musical, volontairement fragmenté et discontinu, demande un effort d’écoute important.
Après l’entracte, George Benjamin dirigeait son propre Concerto pour orchestre, écrit en mémoire d’Oliver Knussen. Ici, pas de référence aux modèles illustres du genre – ceux de Bartók ou Lutoslawski –, mais une œuvre résolument personnelle qui célèbre l’énergie, l’humour et l’esprit de Knussen.
L’œuvre se distingue par une orchestration riche et colorée, d’une grande sophistication. Les bois foisonnent, tissant des lignes complexes et entrecroisées qui captent immédiatement l’attention. La partie centrale, plus animée et turbulente, déploie une énergie remarquable avant de retourner vers des textures plus chambristes. Benjamin utilise un orchestre classique, sans artifices externes ni extension instrumentale, tirant des musiciens des sonorités éclatantes et pleines de vie.
C’est toujours un moment particulier que d’entendre un compositeur diriger ou jouer ses propres pièces, et Benjamin ne fait pas exception. Sa direction, précise et engagée, révèle toutes les intentions de la partition. Une très belle œuvre qui s’impose comme l’un des temps forts de cette soirée.
Le concert se terminait avec Deep Time de Harrison Birtwistle, pièce aux couleurs somptueuses qui fait alterner des passages mélancoliques portés par le cor anglais et des moments cataclysmiques, pulsés avec une énergie irrésistible. L’œuvre est construite comme une suite de passages assez tendus, certains rythmés avec insistance, d’autres plus suspendus.
L’orchestration de Birtwistle révèle un grand raffinement dans les équilibres entre cordes, vents et percussions, créant des couleurs orchestrales captivantes. Plusieurs longs crescendos jalonnent la partition, magnifiquement menés par George Benjamin qui démontre une fois de plus qu’il «sait diriger » – autant ses propres œuvres que celles de ses contemporains.
Si la pièce recèle indéniablement de grandes qualités, on peut se demander si elle n’aurait pas gagné à être plus concise : les passages finaux n’apportent pas véritablement de nouvelles perspectives et semblent prolonger l’œuvre sans nécessité dramaturgique claire.
Prochain rendez-vous de la saison Musica Viva le 6 février avec l’exécution du Radeau de la Méduse de Hans Werner Henze, sous la direction de Sir Simon Rattle – un événement à ne pas manquer.
Antoine Lévy-Leboyer
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