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Europe centrale épique Vienna Musikverein 12/06/2025 - et 7, 8*, 11 décembre 2025 Zoltán Kodály : Galántai táncok
Béla Bartók : A csodálatos mandarin (Suite de concert), opus 19, Sz. 73
Antonín Dvorák : Holoubek , opus 110, B. 198
Leos Janácek : Taras Bulba Wiener Philharmoniker, Jakub Hrůsa (direction)
 J. Hrůsa (© Andreas Herzau)
Désormais invité régulier du Philharmonique de Vienne, Jakub Hrůsa propose ici un programme singulier et passionnant, qui évoque davantage les couplages audacieux d’une pochette de disque soigneusement pensée que ceux d’un traditionnel programme de salle de concert.
Les Danses de Galánta prennent le temps d’installer leur élan folklorique, et si la virtuosité tout comme la splendeur orchestrales demeurent constamment remarquables, quelques légères baisses de tension surgissent ici et là ; elles seraient certainement peu perceptibles si l’œuvre n’était immédiatement suivie par la suite de concert du Mandarin merveilleux, abordée avec une férocité inouïe, d’un tout autre niveau. Dans Bartók, l’élan moteur ne se relâche jamais : sauvagerie décomplexée, glissandi chargés d’effroi, solennité magnifiée – les attaques se font soudain plus acérées, l’énergie rythmique s’affirme au fond des temps ; tout sonne plus clair, plus percutant, comme si l’on avait, entre ces deux œuvres, ôté de la scène un paravent acoustique invisible.
On ne peut que se réjouir d’entendre en concert la musique orchestrale de Dvorák. Même si ses poèmes symphoniques n’atteignent pas toujours le niveau de ses symphonies, leur rareté dans les salles demeure inexplicable – et inexcusable : le Philharmonique de Vienne n’a joué, de fait, La Colombe sauvage qu’à deux reprises, la précédente sous la direction de Gustav Mahler en 1899 (un an après la création de l’œuvre sous la baguette – tiens donc – de Leos Janácek). Hrůsa en propose une lecture animée d’un élan expressif parfois proche de l’emphase, mais traversée d’une ferveur narrative aux accents populaires qui confère à la partition une amplitude résolument symphonique.
La rhapsodie orchestrale Taras Bulba de Janácek, nourrie au moment de sa composition par des courants russophiles (et anti‑autrichiens), s’écoute aujourd’hui plutôt comme un hommage discret à l’Ukraine. La vision de Hrůsa évolue dans des registres coloristes et expressifs qui tirent l’œuvre vers une veine narrative dvorákienne, tendant quelque peu à atténuer les spécificités de la musique de Janácek, faites de silences abrupts, de ruptures soudaines et de heurts déstabilisants.
Si la qualité d’interprétation reste exceptionnelle tout au long de ce programme, Le Mandarin merveilleux en marque incontestablement le point culminant ; certaines œuvres auraient néanmoins gagné à jouer plus franchement la carte des contrastes plutôt que celle d’une continuité esthétique un peu trop soigneusement unifiée.
Dimitri Finker
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