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Pour Pierné et Moussorgski Paris Maison de la radio et de la musique 12/04/2025 - Gabriel Pierné : Cydalise et le Chèvre‑pied (2e Suite d’orchestre)
Samy Moussa : Concerto pour flûte (création)
Nikolaï Rimski-Korsakov : Une nuit sur le mont Chauve (version originale)
Richard Strauss : Fantaisie symphonique sur « La Femme sans ombre », AV 106, TrV 234a Emmanuel Pahud (flûte)
Orchestre national de France, Fabien Gabel (direction)
 F. Gabel (© Maison Simons)
Nous suivons toujours les concerts de Fabien Gabel. Parce que l’ancien assistant de Kurt Masur, aujourd’hui chef du Tonkünstler-Orchester Niederösterreich, est une de nos meilleures baguettes. Parce que ses programmes s’aventurent hors des sentiers battus du répertoire français – souvenons‑nous du Psaume de Florent Schmitt. Son dernier concert à la tête du National commençait ainsi par la Deuxième suite du magnifique Cydalise et le Chèvre‑pied de Gabriel Pierné, que Jean Martinon avait exhumé dans les années 1970. Le Versailles de Louis XIV et le monde des nymphes y resurgissent à travers l’histoire de la ballerine Cydalise séduite par le chèvre‑pied Styrax, en un kaléidoscope de couleurs digne de Daphnis et Chloé, que Fabien Gabel fait ressortir avec une grande finesse et une grande souplesse dans le geste, n’oubliant pas qu’il dirige un ballet. Voilà rendues les grâces souriantes du menuet de l’« Entrée des suivantes et du négrillon », les savoureuses combinaisons de timbres du « Pas des billets doux » et de l’« Entrée de Styrax ». On ne regrette que l’absence du chœur à bouche fermée de la fin, que le ballet représenté fait entendre. Les bois du National, très sollicités, à commencer par les six flûtes, font merveille.
Une musique aussi inventive fait beaucoup d’ombre, bien qu’Emmanuel Pahud y déploie tous les sortilèges de sa flûte enchantée, à la création mondiale Concerto pour flûte de Samy Moussa. Musique passéiste, ou plutôt sans âge, et ennuyeuse, aux marches harmoniques redondantes, aux teintes sans relief, où la tonalité s’assume sans complexe, ne révélant qu’un savoir‑faire académique. On goûte d’autant plus le superbe bis, la Romance pour flûte en ré bémol majeur de Saint‑Saëns dans sa version avec accompagnement d’orchestre.
La seconde partie du programme réveille les forces obscures d’Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski et de la Fantaisie symphonique sur « La Femme sans ombre » de Strauss. De la Nuit Fabien Gabel a choisi la mouture originale de 1867, pas la révision plus opulente de Rimski‑Korsakov – Claudio Abbado, lui, dirigeait volontiers la version avec baryton et chœur, que Moussorgski inséra dans La Foire de Sorotchinski. La direction à la fois volcanique et maîtrisée du Français déchaîne le sabbat, galvanise les musiciens, exaltant l’âpreté sauvage de cette première Nuit à travers une lecture hallucinée. Il allume ensuite les feux de Fantaisie straussienne, dont il offre une interprétation à la fois très virtuose et très claire, mais trop uniformément rutilante, alors qu’il devrait se laisser davantage porter par la sensualité capiteuse de la musique et déployer un éventail de nuances plus étendu. Même si la partition est une grande machine orchestrale, certes pas un chef‑d’œuvre, on peut y suggérer les raffinements de l’opéra.
Didier van Moere
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