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Rattle dirige Haydn et Mahler

Paris
Salle Pleyel
10/13/2002 -  
Joseph Haydn : Symphonie n° 88
Gustav Mahler : Symphonie n° 5

Orchestre Philharmonique de Berlin, Sir Simon Rattle (direction)


Le premier concert à Paris de l’Orchestre Philharmonique de Berlin sous la baguette de son nouveau directeur musical, Sir Simon Rattle, est un concert qu’attendaient tous les mélomanes Français avec impatience. Sa nomination à la tête de l’ « orchestre des orchestres » qu’est la Philharmonie de Berlin avait été saluée par critiques et musiciens comme un véritable événement non pas Berlinois ou Allemand mais international. Les espoirs qui sont placés dans ce mariage vont au-delà de ce qui avait été attendu lorsque Claudio Abbado avait succédé à Herbert Von Karajan.


L’apport d’Abbado a été très significatif. Il a eu à faire face à une situation objectivement très difficile face à un orchestre certes d’une qualité légendaire mais qui sortait d’un long conflit avec Karajan et dans lequel, sans qu’il soit possible de juger les faits avec 100% de clarté, les torts semblent très partagés entre un chef autoritaire à l’extrême et un orchestre très … arrogant. L’origine de cet affrontement remonte aux années 80 lorsque les membres avaient refusé par misogynie la titularisation de Sabine Meyer. Les relations s’étaient tendues par la suite et avaient donné lieu à des échanges où les représentants des musiciens n’avaient pas hésités à déclarer que c’étaient eux qui avaient « fait » Karajan. Ce qu’ Abbado a réalisé a été de les faire passer à l’après-Karajan. L’effectif de l’Orchestre a été renouvelé avec des musiciens plus jeunes (et il y a maintenant des femmes parmi ses membres), le répertoire de l’orchestre a été étendu vers le vingtième siècle. Il semble cependant qu’ il n’y ait jamais eu de parfaite entente entre Abbado et son orchestre. Même si ses concerts étaient de très haut niveau, avec en particulier des Brahms ou un Boris Goudonov inoubliables, il n’a jamais régné la même harmonie et la même fusion que ce que le chef Italien obtient avec l’orchestre de chambre de l’ Europe ou l’orchestre Gustav Mahler, ensembles plus jeunes, moins « divas » et naturellement heureux d’être dirigé par Abbado.


Le choix de Rattle est un signal fort que la majorité de musiciens de l’orchestre cherchent à sortir du positionnement classique du chef tels qu’il a été crée depuis le début du siècle dernier. Le chef anglais a en effet brillé non seulement par ses qualités de musiciens hors pair mais surtout par une vision de ce que la musique doit être dans notre temps et une capacité exemplaire à la réaliser. Rattle est un musicien qui "challenge" institutions, musiciens et publics, que se soit par son choix de rester durant une vingtaine d’ années à la tête de l’Orchestre Symphonique de Birmingham pour en faire le meilleur orchestre Anglais, pour avoir fait accepter des programmes innovants où se mélange création contemporaine et œuvres baroques. C’est lui plus que tout autre qui brise le concept de la salle de concert - musée où l’on vient respecter les grands musiciens d’hier sans trop les déranger.


Joué avec un effectif de chambre, Haydn est interprété avec luminosité. Les équilibres bois et cordes sont remarquables et ce que les instrumentistes jouent vite, lentement, piano ou forte. Dans l’Allegretto, Rattle trouve des inflexions superbes de Ländler autrichiens, montrant une filiation stylistique avec les citations folkloriques de Mahler. Le dernier mouvement est pétillant, plein de joie avec un thème plein d’esprit énoncé pianissimo par cordes et flûte puis développé par l’orchestre dans une superbe polyphonie. A nouveau, Mahler n’est pas si loin …


Rattle aborde la Cinquième de Mahler en faisant table rase de toute la tradition qui veut que ce compositeur soit névrosé ou morbide dans toutes ses compositions. Cette symphonie a été en effet écrite lors de moments de plénitude du compositeur-chef d’orchestre. C’est l’œuvre d’un artiste au sommet de sa gloire et de son talent dont la vie personnelle et professionnelle sont au zénith. Même si elle démarre par une marche funèbre, le climat est très loin de celui, très sombre, de la Deuxième. Les deux mouvements suivants, même s’ils renferment des passages tragiques sont avant tout pleins d’énergie, Mahler y célèbre la nature et la vie. Rattle joue le fameux Adagietto non plus en dix minutes dans l’esprit morbide que Visconti avait crée pour l’épisode fameux de son adaptation de la « Mort à Venise » de Thomas Mann, mais dans un tempo plus vif en faisant ressortir plus de mystère et de sérénité. Ce mouvement est une « Nachtmusik » non pas fantastique et grimaçante comme celles que Mahler écrira dans sa Septième, la nuit est ici celle d’une chaude nuit d’été dans l’esprit du Hänsel et Gretel de Humperdinck qui débouche après une transition où la nature se réveille lentement vers le grandiose et exubérant dernier mouvement marqué Allegro giocoso.


L’Orchestre Philharmonique de Berlin brille par la clarté et les équilibres que ses membres peuvent obtenir lors de fortissimi impressionnants. La patte de Rattle est de les obtenir également dans des passages moins forts. La polyphonie orchestrale complexe que Mahler demande à son orchestre en faisant régulièrement passer les thèmes par tous les pupitres est réalisée comme peu d’orchestres le peuvent. L’excellence de l’orchestre passe par la qualité de ses membres, il faudrait tous les citer : cordes, bois, cuivres, … mais aussi par une excellence collective. Même dans des passages orchestraux les plus complexes, l’impression est que les musiciens s’écoutent entre eux, partageant la même intelligence de l’œuvre.


Après une telle apothéose orchestrale, Rattle nous propose en bis une Gymnopédie de Satie, pleine de tendresse et de douceur. On sort de la Salle Pleyel un peu sonné en se demandant si cela ne va pas être trop difficile d’entendre ensuite des orchestres … normaux.



Antoine Leboyer

 

 

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