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Etincelant Simon Rattle Paris Philharmonie 11/14/2025 - et 6, 7 (München), 10 (Liverpool), 11 (Birmingham), 15 (Frankfurt), 16 (Köln), 20 (Madrid) novembre 2025 Robert Schumann : Symphonie n° 2 en ut majeur, opus 61
Igor Stravinski : L’Oiseau de feu Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Sir Simon Rattle (direction)
Après avoir notamment assumé les postes de directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Berlin et de l’Orchestre symphonique de Londres, Sir Simon Rattle a accepté de prendre celui de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise depuis la saison 2023‑2024. Le mariage s’est avéré des plus fructueux, qu’il s’agisse des concerts donnés en commun, des disques ou de certaines initiatives prises notamment par le chef (le fait que Sir Simon Rattle, lauréat du prestigieux prix Ernst von Siemens, ait décidé de consacrer la somme qu’il a reçue à l’acquisition d’instruments d’époque au bénéfice de la formation baroque qu’il avait créée au sein de son orchestre bavarois fut amplement saluée). Autant dire que cet unique concert parisien, prenant place au sein d’une vaste tournée européenne, donné dans une Philharmonie comble, était attendu : et, effectivement, quelle soirée !
La Deuxième Symphonie (1846) de Schumann est peut‑être la moins connue des quatre, étonnant aussi bien par ses timbres que par sa structure (le deuxième mouvement étant un Scherzo, l’Adagio occupant la troisième place). D’emblée, on est subjugué par les timbres d’un des tous meilleurs orchestres du monde, qui nous livre un premier mouvement débarrassé des petites coquilles qui avaient pu être perçues à Munich et dans lequel la folle énergie de l’Allegro ma non troppo met ô combien en valeur les échanges millimétrés entre bois et cordes dans un jeu de questions/réponses absolument stupéfiant. Les cordes se livrent ensuite à une véritable démonstration dans un Scherzo (Allegro vivace) où Simon Rattle accentue les contrastes, lui conférant ainsi un côté schubertien assez prononcé. La quarantaine de cordes (douze premiers violons, dix seconds, huit altos, six violoncelles et cinq contrebasses) impressionne de nouveau dans le mouvement lent, où le chef parvient à obtenir d’elles des nuances infinitésimales (des doubles piano comme on a rarement l’occasion d’en entendre en concert), la petite harmonie faisant de nouveau merveille grâce notamment au hautboïste Stefan Schilli, un des héros de la soirée. Enfin, comment ne pas frémir de plaisir en voyant l’orchestre s’engager corps et âme dans l’Allegro molto vivace conclusif (le jeu des violoncelles et des contrebasses, époustouflant !) où les cuivres reviennent triomphalement en force, eux qui avaient débuté de façon assez inhabituelle le premier mouvement, bouclant ainsi une boucle schumanienne de toute première valeur.
Mais le meilleur restait à venir avec, en seconde partie, le ballet intégral de L’Oiseau de feu (1910) de Stravinski. Souvent, on n’entend au concert que la Suite qui en a été tirée en 1919 : bénéficier du ballet intégral en deux tableaux était donc une opportunité à saisir. Dès l’« Introduction », Simon Rattle choisit de nous conter une histoire et de ne pas se contenter de dérouler une partition foisonnante requérant un orchestre chatoyant : cordes acérées, hautbois enjôleur, basson sarcastique (qu’on aurait personnellement souhaité plus grimaçant)... Tout mériterait d’être salué : les harpes et la petite harmonie (une clarinette en mi bémol en état de grâce) dans l’« Apparition de l’Oiseau de feu, poursuivi par Ivan Tsarévitch », le lyrisme des cordes (notamment du premier violon solo Anton Barakhovsky) dans les « Supplications de l’Oiseau de feu », le jeu (au sens plein du terme) dans l’effréné « Jeu des princesses avec les pommes d’or », où brilla la clarinette solo de Christopher Patrick Corbett, sans oublier, évidemment, toute la majesté du second tableau où, une fois de plus, le cor solo de Carsten Carey Duffin fut irréprochable. Evidemment très à son aise dans ce répertoire, Simon Rattle fut ce soir un coloriste hors pair, ne brusquant jamais l’orchestre, sachant immédiatement où infléchir le discours, quand donner l’impulsion nécessaire : une démonstration d’orchestre et de conduite d’orchestre qui fut à juste titre ovationnée par le public parisien.
Plusieurs fois rappelé sur scène et chaleureusement applaudi par l’orchestre, Simon Rattle nous offrit en bis une étincelante « Fileuse », extraite de Pelléas et Mélisande (1901) de Gabriel Fauré, nouvelle occasion de briller pour Stefan Schilli. Un formidable concert qui témoigne encore une fois de l’alchimie totale entre un orchestre et son chef, éternel jeune homme bien que dans sa soixante‑dixième année : heureux Munichois !
Le site de de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise
Sébastien Gauthier
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