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A feu et à sang Paris Philharmonie 11/06/2025 - Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5, opus 73
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 5, opus 64 András Schiff (piano)
Orchestre philharmonique d’Israël, Lahav Shani (direction)
 (© Olivier Brunel)
C’est sous haute surveillance policière qu’a eu lieu l’unique concert parisien de l’Orchestre philharmonique d’Israël. Commencé dans une atmosphère de violence, il a pu s’achever en beauté sous la direction de Lahav Shani.
Comme lors de la venue du chef israélien Lahav Shani à la tête de l’Orchestre philharmonique de Munich au Théâtre des Champs‑Elysées en septembre dernier et même plus car cette fois c’est à la tête de l’Orchestre philharmonique d’Israël dont il est aussi le directeur musical, une polémique assez nauséabonde s’est répandue pendant les jours précédant ce concert à la Philharmonie de Paris. Le chef et pianiste israélien avait été déprogrammé du Festival de Flandre de Gand au mois de septembre.
Mediapart a ouvert le bal avec une lettre ouverte dans laquelle des artistes et spectateurs demandaient à la Philharmonie de Paris d’annuler le concert. Puis la CGT Spectacle s’en est mêlée, demandant à la direction de l’établissement d’avertir le public « des accusations gravissimes qui pèsent contre les dirigeants de ce pays ». Ce sur quoi la Philharmonie a confirmé le maintien du concert affirmant qu’elle « a accueilli et accueillera encore aussi bien des artistes israéliens que palestiniens sans jamais en exiger de prise de position politique ». Une pétition a été lancée sur Change.org, dont les signataires demandent à ne pas boycotter l’Orchestre philharmonique d’Israël et à ne pas « contextualiser » son concert. Enfin, Rachida Dati a souhaité la « bienvenue à l’Orchestre national d’Israël ce jeudi à la Philharmonie ». « Rien ne justifie un appel au boycott de ce moment de culture, de partage et de communion. La liberté de création et de programmation est une valeur de notre République. Aucun prétexte à l’antisémitisme ! » selon la ministre de la culture.
Une compagnie de CRS avait été déployée tout autour du bâtiment pour assurer ce concert à haut risque et les spectateurs ont dû attendre jusqu’à une demi‑heure, en une file qui descendait jusqu’au boulevard extérieur, pour passer les mesures de sécurité. Celles‑ci n’ont hélas pas empêché des fauteurs de troubles d’y entrer avec des lance‑fumigènes qui ont été allumés à deux reprises dans le balcon situé derrière la scène, dont un par un manifestant cagoulé qui s’en est pris aux fauteuils, déclenchant une importante fumée, des échauffourées et une panique du public. La sécurité s’est trouvée vite débordée par ces manifestants dispersés dans tout le balcon. Le concert avait été interrompu dès l’entrée du piano dans le Concerto « Empereur » de Beethoven par des slogans injurieux et des jets de tracts signés Palestine Action France, dénonçant un par un les musiciens de l’orchestre ayant pris position pour leur armée sur les réseaux sociaux. András Schiff et Lahav Shani ont eu beau afficher un calme relatif, cette première partie du concert a été très chaotique, le pianiste ayant dû à deux reprises reprendre son entrée.
Difficile dans ces conditions de relater la qualité musicale du concerto, les musiciens étant très tendus et le pianiste enclin à heurter son jeu. Après un troisième mouvement sans anicroche, un espace de sérénité a conclu la première partie quand Sir András est revenu jouer la Valse en la mineur de Chopin, Deuxième de l’Opus 34, avec toutes les reprises, long et miraculeux moment de poésie et de calme retrouvé.
La seconde partie s’est déroulée sans entrave, permettant à cette belle phalange de jouer une Cinquième Symphonie de Tchaïkovski très dramatisée sous la direction énergique du chef israélien. Avec une battue qui paraît plus tenir du corporel que de la métrique, ce chef au charisme débordant parvient à galvaniser cet orchestre qui a eu dans son histoire un certain nombre de chefs prestigieux.
Le public a énormément applaudi debout l’orchestre, tant au cours des interruptions qu’à la fin du concert. A la sortie, les spectateurs étaient attendus par un petit nombre de manifestants qu’un dispositif policier supplémentaire tentait de maintenir à l’entrée du parc de La Villette.
Olivier Brunel
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