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Nouvel An anticipé Vienna Musikverein 10/25/2025 - et 26 octobre 2025 Johann Strauss fils : Indigo und die vierzig Räuber : Ouverture – Künstlerleben, opus 316 – Lob der Frauen, opus 315 – Geschichten aus dem Wienerwald. Walzer, opus 325 – Wein, Weib und Gesang, opus 333 [**] – Fest‑Quadrille, opus 44 – Frühlingsstimmen, opus 410 [*] – Perpetuum mobile, opus 257 – An der schönen blauen Donau, opus 314
Georg Breinschmid : Schani 200 Nikola Hillebrand [*] (soprano), Barbara Laister-Ebner (cithare)
Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien [**], Wolfgang Dörner (chef du chœur), Wiener Philharmoniker, Tugan Sokhiev (direction)
 T. Sokhiev (© Marco Borggreve)
Vienne est une ville où l’on entend beaucoup de musique de Strauss. Cela commence dans l’avion, Le Beau Danube bleu vous y accompagnant en musique d’ambiance ; la même valse vous poursuit jusque dans les toilettes de l’aéroport, et ne vous lâche plus durant l’entière saison des bals.
On entend ainsi beaucoup de Strauss ; pourtant, les occasions de véritablement écouter sa musique symphonique demeurent rares (à moins, naturellement, de fréquenter les concerts touristiques de musiciens en perruque). Il ne fallait donc pas bouder ces deux concerts célébrant le bicentenaire du compositeur, servis par le Philharmonique de Vienne, bien chez eux au Musikverein, avec quelques verres de champagne matinaux pour parfaire l’illusion d’un Nouvel An anticipé. A quelques détails près, le programme reprenait celui du 25 octobre 1925, dirigé par Felix Weingartner avec les mêmes Philharmoniker.
Ce que l’on en retient ? D’abord, la présence inhabituelle du Singverein tout au long du concert – Dudamel fut le seul à l’inviter, pour quelques minutes à peine de musique, lors du concert du Nouvel An 2017 – permettant de découvrir les versions avec chœur (antérieures, de fait, à leurs versions orchestrales) des valses Aimer, boire et chanter et du Beau Danube bleu. Les voix confèrent à ces partitions familières un relief surprenant, soulignant les relances instrumentales qui encadrent les enchaînements de valses, comme des ponts entre deux strophes. La progression dramaturgique des œuvres devient également plus limpide : l’introduction d’Aimer, boire et chanter naît dans une atmosphère quasi liturgique avant de s’achever en chanson à boire. Difficile, enfin, de ne pas sourire devant l’ingénuité des paroles qui ouvrent Le Beau Danube, rappelant ses origines de chanson satirique.
Ce qui frappe, d’autre part, c’est la nostalgie qui imprègne nombre de ces pièces – notamment la polka-mazurka Eloge des femmes – souvent bien moins enjouées qu’on pourrait le croire lors d’une écoute superficielle ; et même lorsque la gaieté s’y manifeste, elle semble bien vite réprimée. Le programme suit d’ailleurs une progression habile, la seconde partie se montrant plus franchement dansante que la première.
Voix du printemps trouve en Nikola Hillebrand une interprète délicieuse : son timbre perlé, sucré comme une mignardise viennoise, lui fait pardonner quelques écarts de justesse. Dans le programme se glisse une création contemporaine, Schani 200 (autrement dit, « Jean » ou « Johann » en dialecte viennois) de Georg Breinschmid, ancien membre du Philharmonique de Vienne, qui mélange efficacement – et inoffensivement – emprunts à la musique de Strauss, au jazz, au klezmer et influences de quelques de compositeurs du XXe siècle (Stravinsky, Ravel).
Tugan Sokhiev dirige cette musique avec la sobriété d’un invité vétéran, privilégiant souvent les teintes cuivrées et la mélancolie des valses à leur transparence aérienne : un Strauss peut‑être moins étincelant, mais décidément commémoratif.
Dimitri Finker
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