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Igor lévite Vienna Musikverein 10/20/2025 - et 22* octobre 2025
20 octobre – et 24 octobre 2025 (Hamburg)
Ludwig van Beethoven : Coriolan, opus 62 – Symphonie n° 8, opus 93
Dimitri Chostakovitch : Concerto n° 1 pour piano, trompette et cordes, opus 35
22 octobre – et 26 octobre 2025 (Hamburg)
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58
Franz Schubert : Symphonie n° 9, D. 944
Igor Levit (piano), Jeroen Berwaerts (trompette)
Mahler Chamber Orchestra, Adám Fischer (direction)
 I. Levit (© Felix Broede)
Le point de départ de cette mini-résidence d’Igor Levit au Musikverein – cinq concerts alternant récitals, musique de chambre et programmes symphoniques – est la mémoire des attentats du 7 octobre. Elle coïncide aussi avec le cinquantenaire de la mort de Chostakovitch, rappelant le rôle de la musique comme moyen de résistance.
L’interprétation de l’ouverture Coriolan compense un manque relatif de poids par une lecture tout en nerf et en élasticité, dosant habilement l’énergie qui traverse l’œuvre. Adám Fischer se lance, avec la Huitième Symphonie de Beethoven, dans une course effrénée et imaginative : le premier mouvement foisonne d’idées généreuses mais parfois hétéroclites ; l’humour de l’Allegretto scherzando est ciselé avec une rigueur haydnienne ; le menuet est éclairé par les délicates interventions des chefs de pupitres ; et le final, mené à un tempo vertigineux et exaltant, transforme les notes répétées des violons en ricochets d’archets.
Si Beethoven se sort indemne de ce traitement radical, la symphonie de Schubert y résiste moins : malgré des effectifs de cordes renforcés, la balance sonore penche excessivement vers les vents, tandis que les basses paraissent anémiées. Plus que la vitesse des tempi, c’est le surplus d’agitation et le manque d’espace qui finissent par étouffer la respiration naturelle de la musique de Schubert.
Les concertos sont en revanche des modèles de cohérence, rachetant au centuple tous ces excès. Celui de Chostakovitch, pour trompette et piano, est joué sans chef, Igor Levit s’abstenant – avec raison – d’intervenir davantage que le strict nécessaire : à peine un signe de tête occasionnel, plus proche d’une approbation muette que d’une incitation impérieuse. Dès l’introduction, on est frappé par la précision des coloris, la souplesse des phrasés et l’équilibre idéal entre les deux solistes, les cordes et les vents. On ne cesse ensuite de s’émerveiller de cette expressivité intense obtenue avec une économie de moyens exemplaire – les interprètes partageant avec le compositeur un sens aigu de la litote musicale. Igor Levit y déploie sa science du jazz, instillant un humour sans brillance excessive ; la trompette de Jeroen Berwaerts s’intègre avec élégance dans cet équilibre. On pense souvent au Chostakovitch compositeur de musiques de film, versant plus volontiers dans l’absurde que dans l’ironie. Œuvre à savourer sans hésitation au concert, aucun enregistrement ni système haute fidélité ne pouvant restituer la cohérence de cette œuvre riche en contrastes et couleurs.
Enfin, un Quatrième Concerto de Beethoven d’anthologie. Entamé dans une sérénité lumineuse, avec un piano parfaitement intégré à l’orchestre, le sol semble soudain se dérober sous nos pieds, faisant surgir un nouvel univers avec la modulation qui lance le développement. Cet art de la transition se confirme tout au long de l’œuvre : sans avoir encore atteint la quarantaine, Igor Levit déploie déjà l’aura d’un vieux sage du piano, extrayant la quintessence de chaque note qui conduit l’Andante con moto vers le Rondo. Aucune grandiloquence : tout est essentiel. Soutenue par des sonorités orchestrales limpides, presque stratosphériques, cette lecture laisse l’auditeur ressortir le sourire aux lèvres – heureux comme un enfant qui vient de découvrir la musique de Beethoven.
Dimitri Finker
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