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Une création envoûtante

Nice
Opéra
10/03/2025 -  et 5, 7* octobre 2025
Philip Glass : Satyagraha
Melody Louledjian (Miss Schlesen), Karen Vourc’h (Mrs Naidoo), Julie Robard‑Gendre (Kasturbai, Mrs Alexander), Sahy Ratia (Gandhi), Jean‑Luc Ballestra (Parsi Rustomji, Lord Krishna), Frédéric Diquero (Arjuna), Angel Odena (Kallenbach), Ballet de l’Opéra de Nice
Chœur de l’Opéra de Nice, Giulio Magnanini (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Nice, Léo Warynski (direction musicale)
Lucinda Childs (mise en scène, chorégraphie), Bruno de Lavenère (décors, costumes), David Debrinay (lumières), Etienne Guiol (vidéo)


(© Julien Perrin)


Parmi les opéras inspirés par l’Inde au XXe siècle, tels que Sita de Holst (voir à Sarrebruck l’an passé) et surtout Padmâvatî de Roussel (voir à Paris en 2008 ), Satyagraha (1980) voit son aura grandir sur toutes les scènes lyriques, y compris dans notre pays, longtemps réfractaire au courant minimaliste.


La renommée de son compositeur Philip Glass (88 ans) s’appuie sur une carrière prolifique en de nombreux domaines, des symphonies aux musiques de film (dont The Hours en 2002), tout en restant ornée des premiers succès opératiques de la trilogie des années 1970 dédiée à des portraits de personnages célèbres : Satyagraha (1980) en constitue le deuxième volet indépendant, après Einstein on the Beach (1976) et Akhenaton (1983). L’Opéra de Nice a déjà présenté l’ouvrage consacré au célèbre pharaon en 2020, pendant la pandémie, avant de poursuivre aujourd’hui avec la figure de Gandhi.


On retrouve pour ces deux productions une figure emblématique en la personne de la chorégraphe Lucinda Childs, qui a participé à la création d’Einstein on the Beach, en tant que coauteur et interprète. C’est donc là une caution de choix pour cette artiste proche de Glass par son art tout aussi économe, entre gestes répétitifs et harmonieux, qui s’insèrent parfaitement dans l’ambiance hypnotique à l’œuvre ici. La danse ne prend jamais le pouvoir, en incluant les chanteurs dans les mouvements, tout en jouant sur la géométrie et les volumes (avec une plateforme à deux niveaux sur scène, ainsi qu’une passerelle devant l’orchestre). Alternant processions et rituels, les interprètes chantent à différents endroits de la salle, en embrassant ainsi la totalité de l’espace, à l’instar des vidéos omniprésentes d’Etienne Guiol : ces dernières impressionnent durablement, du fait de leur projection bien au‑delà de la scène, sur les balcons et sur le plafond de l’élégante salle de l’Opéra de Nice.


Il est d’ailleurs à noter que le directeur, Bertrand Rossi, a eu la bonne idée de faire appel à cet artiste formé à l’école de dessin Emile Cohl pour créer un spectacle immersif à 360°, appelé « Une journée à l’Opéra » et créé pendant l’été 2025. La concomitance de ces deux projets explique la qualité exceptionnelle des projections, qui plongent le spectateur en un envoûtement permanent, faisant la part belle aux motifs géométriques comme à l’écriture en sanskrit (la langue des textes sacrés hindous, choisie par Glass pour les parties chantées). Le spectacle refuse de se plier à une narration trop explicite au niveau visuel (à l’exception de barreaux de prison projetés pendant l’épisode de l’enfermement de Gandhi en Afrique du Sud), laissant l’auditeur se concentrer sur le texte, entre profondeur poétique, religieuse et philosophique.


Face à cet ouvrage moins spectaculaire par rapport aux deux autres de la trilogie, le chef français Léo Warynski joue la carte de la lisibilité et de la transparence des textures, dans une parfaite mise en place. On aimerait toutefois davantage de caractère, ici et là, pour faire vivre d’une plus grande intensité les infimes subtilités des phrasés mouvants de Glass. Il se rattrape quelque peu lors des passages plus expressifs au II, où ses tempi allants évitent tout pathos. Le Philharmonique de Nice se montre quant à lui à la hauteur de l’événement, à l’instar du très sollicité Chœur de l’Opéra de Nice, admirable de précision et d’engagement.


Le plateau vocal doit beaucoup à la prestation toute de mesure et d’équilibre de Sahy Ratia, qui porte la déclamation de Gandhi sans ostentation, avec une confiance sereine adaptée au personnage. Son timbre clair et son émission souple l’aident beaucoup dans cette optique, en lien avec les intentions spirituelles de l’ouvrage. On aime aussi les couleurs et les graves bien articulés de Karen Vourc’h, à l’inverse d’une Melody Louledjian trop sonore par rapport à ses partenaires. Le reste de la distribution montre une belle homogénéité, très applaudi en fin de soirée par le public, à juste titre ravi par cette production mémorable.



Florent Coudeyrat

 

 

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