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Un Wozzeck trop bien élevé

München
Isarphilharmonie
10/02/2025 -  et 3, 5* octobre 2025
Alban Berg : Wozzeck, opus 7
Christian Gerhaher (Wozzeck), Malin Byström (Marie), Eric Cutler (Tambourmajor), Brindley Sherratt (Doktor), Nicky Spence (Hauptmann, Narr), Edgaras Montvidas (Andres), Rinat Shaham (Margret), HK Gruber (Erster Handwerksbursch), Ludwig Mittelhammer (Zweiter Handwerksbursch), Q‑Won Han (Soldat, Bursche), Freya Oslie‑Toth / Felix Bellheim (Mariens Knabe)
Chor des Bayerischen Rundfunks, Peter Dijkstra (chef de chœur), Kinderchor der Bayerischen Staatsoper, Kamila Akhmedjanova (cheffe de chœur), Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Sir Simon Rattle (direction)


C. Gerhaher, S. Rattle, M. Byström
(© Bayerischer Rundfunk/Astrid Ackermann)



Les Munichois connaissent bien Wozzeck. En 2008, l’ère de Nikolaus Bachler avait démarré avec la production d’Andreas Kriegenburg, régulièrement remontée devant des salles pleines et qui a vu passer le nec plus ultra des barytons de notre époque : Michael Volle, Georg Nigl, Simon Keenlyside, Peter Mattei et, en 2019, Christian Gerhaher, que l’on retrouve ce soir.


Comme toujours lors de représentations d’opéra en version de concert, il y a une attention portée à la musique qui se fait au détriment de la dramaturgie. La scène finale des enfants est un peu sentimentale et n’a pas la dimension glaçante qu’elle peut avoir au théâtre.


L’orchestre pour lequel Berg a écrit n’est plus dans la fosse. Sous la baguette de son directeur musical, il couvre un peu les chanteurs au début, en particulier dans les échanges en Sprechgesang entre Marie et Margret. Mais assez rapidement, les équilibres se mettent en place et sont finalement assez satisfaisants.


La prestation de l’orchestre est superbe. Sous la direction attentive de Rattle, on découvre toute une série de détails que l’on « devinait » et que l’on peut maintenant « voir ». Le duo célesta‑harpe à la fin de la berceuse de Marie pourrait être du Ravel, les solos des pupitres de cordes lors de la scène entre le Docteur et Wozzeck sont très expressifs, les citations du deuxième acte du Chevalier à la rose lors de la musique de bastringue du deuxième acte ne font aucun doute quant à leur origine, le passage de flûte dans la lecture de la Bible par Marie est superbe et, bien évidemment, l’intensité de l’Interlude qui suit la noyade de Wozzeck – très probablement le sommet de l’opéra – montre le lien entre la musique de Mahler et l’œuvre de Berg.


Parmi les musiciens, il faut souligner l’excellence du pupitre des cors emmené par Carsten Duffin, Radoslaw Szulc au premier violon, Magdalena Hoffmann à la harpe et Christopher Patrick Corbett à la clarinette. Le Chœur de la Radio bavaroise est comme toujours impressionnant avec des couleurs profondes, son intervention n’étant pas sans rappeler les chœurs du Vaisseau fantôme de Wagner.


La distribution est de haut niveau. C’est toujours un signe : la diction des chanteurs est exemplaire. Malin Byström montre ce qu’une vraie soprano peut apporter au rôle de Marie. Le timbre est clair. Il y a beaucoup d’expression et beaucoup d’émotion à la fin de la berceuse. A ses côtés, Eric Cutler a la dimension wagnérienne du rôle du Tambour‑major. Parmi les excellents personnages secondaires, signalons la superbe prestation de Brindley Sherratt, Docteur manipulateur dont la qualité de projection lui permet de passer sans peine au‑dessus de l’orchestre. Lors de la scène qui l’oppose au Capitaine, il trouve un glissando vers les notes graves retentissantes qui impressionne aux côtés de Christian Gerhaher.


La prestation de ce dernier est bien évidemment à la hauteur de ce grand chanteur. Il y a une réelle intelligence du texte et le baryton, futur Wotan à Salzbourg, sait trouver un volume imposant. Son Wozzeck est tout en retenue, voire parfois un peu pâle. Le seul moment où il est pleinement dans le personnage est lors du « Komm » menaçant et insidieux avant le meurtre de Marie.


Certes la conception est intelligente et merveilleusement réalisée, mais ce Wozzeck intellectuel et contrôlé est‑il vraiment le personnage fruste et halluciné que voulaient Büchner et Berg ?


Avec cette superbe soirée commence la saison 2025‑2026 de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise. Les musiciens retrouveront Sir Simon Rattle pour de nombreux programmes variés comprenant Bruckner, Henze, Mahler, Janácek, Brahms, Adámek... et le gotha des chefs invités (Gustavo Dudamel, Nathalie Stutzmann, Daniel Harding, Osmo Vänskä...) et des solistes (Alexandre Kantorow, Vilde Frang, Emanuel Ax...), trop nombreux pour pouvoir tous les citer. Autant de raisons de passer par Munich.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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