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50 ans et pas une ride ! Paris Théâtre du Lido 10/02/2025 - et 3*, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 31 octobre, 1er, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 14, 15, 16, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 28, 29, 30 novembre, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 26, 27, 28, 30 décembre 2025, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11 janvier 2026 Michel Legrand : Les Demoiselles de Rochefort (orchestration Patrice Peyriéras) Juliette Tacchino*/Maïlys Arbaoui-Westphal (Delphine Garnier), Marine Chagnon*/Sophia Stern (Solange Garnier), Valérie Gabail (Yvonne Garnier), David Marino (Maxence), Paul Amrani (Andy Miller), Arnaud Léonard (Simon Dame), Victor Bourigault (Guillaume Lancien), Valentin Eyme (Etienne), Aaron Colston (Bill), Lara Pegliasco (Judith), Aurélia Ayayi (Esther), Agathe Prunel (Josette), Alain Dion (Subtil Dutrouz), Daniel Smith (Boubou), Guillemette Buffet, Marine Villet, Arcangelo Ciulla, Grégory Garell, Georgia Clements, Bradley Perret, Ciara Jackson, Tommy Wade‑Smith (Ensemble)
Orchestre du Théâtre du Lido, Patrice Peyriéras/Benjamin Pras/Thierry Boulanger (piano, direction musicale)
Gilles Rico (mise en scène), Joanna Goodwin (chorégraphie), Bruno de Lavenère (scénographie), Alexis Mabille (costumes), Tim Mitchell (lumières), Etienne Guiol (vidéo), Unisson Design (son)
 J. Tacchino, M. Chagnon (© Maria‑Helena Buckley)
Retour en grâce très attendu des héroïnes rochefortaises de Jacques Demy et Michel Legrand, cette fois à Paris, sur les Champs‑Elysées dans la mythique salle du Lido. Presque 50 ans et pas une ride ! Comme il est dit dans le texte si poétique de cette comédie musicale : les sœurs Garnier méritent bien du Palais !
Avouons que l’on appréhendait un peu ce passage du cinéma à la scène de ce film mythique, aux teintes pastel, aux extérieurs si brillants, à la nuit du cabaret du Lido. C’était sans faire confiance à Jean‑Luc Choplin, ce magicien qui a donné à Paris le démarrage d’un statut de scène possible pour la comédie musicale depuis les théâtres du Châtelet, de Marigny et aujourd’hui le Lido ! Mais dès qu’apparaît et se déplie sur la musique du générique le fameux pont transbordeur de Rochefort en vidéo immersive, on est soi‑même transbordé dans le monde merveilleux de ce conte poétique où, comme dans la plus élaborée des pièces de Marivaux, se jouent les jeux et les symétries de l’amour et du hasard et où l’amour triomphe jusqu’à la dernière seconde d’une soirée riche en enchantements.
A aucun moment on est tenté de faire des comparaisons avec les acteurs du film de Jacques Demy (1967) dont la distribution était superlative (Kelly, Chakiris, Darrieux, Deneuve, Dorléac, Perrin, Piccoli) jusque dans ses plus petits rôles. Au Lido, chaque acteur-chanteur, dont certains viennent du monde de l’opéra, incarne la vérité de son rôle avec sa propre personnalité physique et vocale. Si les deux jumelles incarnées par Juliette Tacchino et Marine Chagnon (deux distributions alternent dans ces rôles) rappellent les sœurs Dorléac, avec une manière de chanter plus lyrique et plus spontanée, les rôles masculins ont tous leur charme propre : David Marino, chanteur canadien finaliste du concours The Voice, est d’une grande tendresse dans les couplets romantiques de Maxence, Paul Armani, rompu au musical, est impeccable dans le swing d’Andy Miller et Arnaud Léonard un musicien accompli pour incarner le marchand de musique Simon Dame. Excellents aussi Valérie Gabail en Yvonne, la mère des jumelles, et le Boubou adolescent très acrobate de Daniel Smith.
Alexis Mabille offre plus de luminosité aux costumes que ceux très pastel du film, les éclairages de Tim Mitchell mais surtout la vidéo virtuose d’Etienne Guiol (le petit film du découpage en morceaux de Pélagie Rozier qui fait le lien entre les deux parties du spectacle est un clin d’œil savoureux au cinéma muet) donnent vie et relief à la scénographie inventive et sans cesse en mouvement de Bruno de Lavenère. Mais c’est surtout le formidable travail du tandem du metteur en scène Gilles Rico, lui aussi venu de l’opéra, et de la chorégraphe Joanna Goodwin qui amène les ensembles au niveau du Bernstein d’On the Town, et achève avec une troupe de danseurs expérimentés de faire décoller l’action et donner au spectacle un rythme... quasi cinématographique. L’Orchestre du Théâtre du Lido ne démérite pas faisant revivre sous la direction de Patrice Peyriéras la merveilleuse musique de Michel Legrand. En ce début d’automne pour le moins morose, ce spectacle devrait constituer le meilleur possible des antidotes.
Olivier Brunel
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