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D’une implacable férocité

Amsterdam
De Nationale Opera
09/03/2025 -  et 6, 9*, 12, 15, 18, 21, 23, 25 septembre 2025
Giacomo Puccini : Tosca
Elena Stikhina*/Natalya Romaniw (Floria Tosca), Joshua Guerrero (Mario Cavaradossi), Gevorg Hakobyan (Il barone Scarpia), Sam Carl (Cesare Angelotti), Tomeu Bibiloni (Il sagrestano), Lucas van Lierop (Spoletta), Joe Chalmers (Un carceriere), Ismael Correa Ulriksen (Sciarrone), Danthe Jongsma/Looren Schenau (Pastore)
Koor van De Nationale Opera, Edward Ananian-Cooper (chef de chœur), Nieuw Amsterdams Kinderkoor, Anaïs de la Morandais (cheffe de chœur), Nederlands Philharmonisch, Nathalie Stutzmann (direction musicale)
Barrie Kosky (mise en scène), Rufus Didwiszus (décors), Klaus Bruns (costumes), Franck Evin (lumières)


G. Hakobyan (© Koen Broos)


Tosca est certainement, avec sa création à Rome le 14 janvier 1900, la première œuvre lyrique créée au XXe siècle qui, 125 ans après, garde toujours sa force, sa violence et sa cruauté. Elles ont inspiré à l’Australien Barrie Kosky une mise en scène réaliste, proche du cinéma noir, pour une œuvre où tout le monde meurt, mais probablement une des lectures les plus respectueuses du livret que nous ait livrées ce régisseur aux interprétations très souvent provocatrices. Ici seule la férocité du drame motive la direction d’acteurs toujours virtuose de Barrie Kosky qui situe l’action dans un monde contemporain avec un évident désir de minimalisme propre à resserrer l’action sur l’essentiel.


Début d’une trilogie puccinienne suivie par Turandot et Il trittico, cette Tosca avait fait sensation et obtenu, à sa création en 2022 sous l’excellente direction de Lorenzo Viotti, suivie d’un enregistrement vidéo publié par Naxos, un triomphe public renouvelé à cette reprise. Barrie Kosky use d’un minimalisme efficace au premier acte très sombre, où le marbre noir de Sant’Andrea della Valle n’est coloré que par un bouquet de fleurs offert à la Madone et la robe bleu marial de Floria Tosca. Le coup de théâtre tombe au Te Deum quand surgit un immense triptyque figurant la chute des corps et âmes damnées dans les enfers, dont les têtes sont celles grimaçantes de choristes, tableau vivant qui s’avance pour écraser littéralement un Scarpia qui vient de chanter sa profession de foi de noirceur et de cruauté.


Pour figurer le palais Farnèse, le bureau de Scarpia est une cuisine high tech à l’américaine dans lequel le cynique baron, chef de la police entouré d’une milice fasciste, déguste des vins fins, tranche avec habilité du saumon cru et éventuellement les doigts de Mario, qu’il fait découper par le bourreau dans une salle souterraine. Le jeu de couteaux accroché au mur finit par lui être fatal dans la scène où Tosca, après une course-poursuite très cinématographique, le lacère sauvagement.


Au troisième acte, le noir règne sur la terrasse du château Saint‑Ange, où un échafaudage sert de peloton d’exécution à Mario et de point de chute pour Tosca dont, coup de théâtre final, on voit le corps chu et brisé.


De la distribution originale, on retrouve le baron Scarpia aux graves cuivrés et à la projection efficace de l’Arménien Gevorg Hakobyan, acteur d’une redoutable mobilité, ainsi que le Mario Caravadossi de l’Américain Joshua Guerrero, ténor aux aigus clairs et colorés mais peut‑être pas assez puissants pour cette grande salle. Au III, il nous a paru perdre un peu le contrôle de la dynamique et des phrasés surtout dans son air « E lucevan le stelle ». La première des deux nouvelles Floria Tosca, la soprano russe Elena Stikhina, a les moyens, la projection le timbre moelleux pour ce rôle écrasant. Son « Vissi d’arte » était un grand moment de chant pur et recueilli. Elle reviendra à Amsterdam en novembre prochain pour incarner la Pucelle d’Orléans de Tchaïkovski dans une mise en scène de Dmitri Tcherniakov. Tous les comprimarii étaient parfaits, autant le Sacristain (ici transformé en prêtre) de Tomeu Bibiloni que l’Angelotti (un peu trop amoché tout de même) de Sam Carl. Et bien sûr le Chœur de l’Opéra national néerlandais, superlatif dans le prodigieux Te Deum.


Nathalie Stutzmann reprend le flambeau du chef Lorenzo Viotti, qui en avait assuré la direction en 2022, hélas sans le même panache. Sa direction très plate et linéaire ne permet pas d’apprécier tous les raffinements de la partition. Certes elle suit parfaitement les chanteurs et les grands climax de l’œuvre sont exaltés mais elle manque de magie et de subtilité dans les moments les plus tendres comme au début du troisième acte, la chanson du berger et même l’introduction de l’air de Mario. La musique orchestrale, que certains placent chez Puccini au‑dessus du chant, ce soir‑là restait au fond de la fosse.



Olivier Brunel

 

 

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