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Cinq romantiques pour un Pleyel

Châteauroux
Vic-Nohant (Domaine de George Sand)
07/21/2025 -  
Frédéric Chopin : Rondo à la mazur, opus 5 – Nocturnes, opus 27 : 2. en ré bémol majeur
Fanny Mendelssohn : Lied, H 456 – Quatre Lieder, opus 8 : 2. Andante con espressione & 3. Larghetto – Quatre Lieder, opus 2 : 2. Andante con moto & 3. Allegretto grazioso
opus 2, 4-5, 6 et 8 = 24 + H 456
Felix Mendelssohn : Rondo capriccioso, opus 14
John Field : Nocturnes n° 4, H 36, n° 5, H 37, et n° 10, H 46
Johann Nepomuk Hummel : Sonate pour piano n° 5, opus 81

Dmitry Ablogin (piano)




A Nohant, à qui d’autre consacrer un festival que Chopin, qui se rendit chez George Sand à de nombreuses reprises entre 1839 et 1847 ? Et qui dit Chopin, évidemment, dit piano : la cinquante‑neuvième édition du Nohant Festival Chopin, du 7 juin au 23 juillet, intitulée « Chopin l’Européen », a donc réuni, comme chaque année d’éminents artistes, tels Philippe Bianconi, Rafal Blechacz, Michel Dalberto, Dang Thaï Son, Lucas Debargue, Barry Douglas, Arcadi Volodos... Aux trente‑deux concerts et spectacles s’ajoutent des classes de maître (publiques) avec Yves Henry, président de la manifestation, un hommage à Aldo Ciccolini à l’occasion du centenaire de sa naissance ainsi qu’un festival « hors les murs » en accès libre, du 7 juin au 21 septembre.


Et on ne pourra pas dire que Nohant ne s’ouvre pas à une dimension qu’on ne peut désormais plus complètement ignorer : l’interprétation sur instruments anciens. Pour cela, il faut d’abord un piano, le Pleyel de 1844 déjà entendu en 2023. Il faut en outre un pianiste : Dmitry Ablogin (né en 1989), professeur à la Hochschule de Cologne, « mention honorable » au premier Concours Chopin sur instruments historiques de Varsovie (2018) puis deuxième prix et prix du public au Concours Musica antiqua de Bruges (2019), paraissait devoir être l’homme de la situation, ce qu’il a confirmé devant le public un peu clairsemé mais très enthousiaste de l’auditorium-bergerie du Domaine de George Sand.



D. Ablogin (© Kaupo Kikkas)


D’emblée, même s’il salue d’abord Chopin, comme il se doit, son récital chemine en dehors des sentiers battus avec le rare Rondo à la mazur (1826), pas la meilleure page du compositeur, certes alors âgé de 16 ans, qui donne parfois l’impression de s’autoparodier. Quelques minutes sont nécessaires pour que l’oreille se familiarise avec la sonorité du Pleyel, plus sourde, à la projection plus faible et à la résonance moins longue, dont les aigus cristallins, tour à tour, crépitent ou évoquent la harpe, mais dont les graves savent aussi gronder. Et le jeu en vaut la chandelle, quand se révèle, dans le Nocturne opus 27 n° 2 (1835), la délicate palette de nuances que l’instrument peut offrir.


Le pianiste russe montre ensuite que la musique de Fanny Mendelssohn, épouse Hensel (1805‑1847), gagnerait très largement à être mieux connue. Dans une œuvre essentiellement consacrée à la voix et au piano, elle laisse notamment une vingtaine de « lieder pour piano » écrits entre 1836 et 1846, pour la plupart regroupés en quatre recueils. Y voir un succédané aux Romances sans paroles de son frère serait aussi tentant qu’erroné : plus développées, à en juger par les cinq sélectionnées, ces pièces d’une grande qualité d’inspiration et d’expression évoquent d’ailleurs bien moins Felix M. – sinon peut‑être, l’opus 2 n° 3 – que Frédéric C., Robert S. voire Johannes B. Si elle ne se rattache certes pas à la « modernité » lisztienne, l’écriture pianistique n’en est pas moins remarquable, servie par les aigus arachnéens de l’instrument et par le phrasé très étudié de l’interprète. En comparaison, le Rondo capriccioso (1824) du frère en paraîtrait presque trop prévisible, mais au Chopin de 16 ans du début de cette première partie répond un Mendelssohn de 15 ans.


La seconde partie du récital continue de cultiver la rareté, avec trois des Nocturnes de John Field (1782‑1837), « inventeur » du genre autour de 1820. Comme pour le nocturne de Chopin en première partie, Ablogin les fait précéder d’un bref prélude improvisé et il est intéressant de l’entendre s’expliquer longuement sur cette démarche dans un long entretien (en anglais) qu’on peut trouver sur YouTube. Cela dit, il cultive un tel souci du détail que la cohérence du propos s’en trouve parfois altérée. Mais on n’en perçoit pas moins ce qui a pu attirer Chopin dans cette musique, tant la riche ornementation du Cinquième, magnifiquement mise en valeur par le Pleyel, que les tourments du Quatrième.


On connaît bien plus le nom de Hummel (1778‑1837), contemporain de Field, élève de Mozart et proche de Beethoven, que sa musique, sinon son incontournable Concerto pour trompette. Et c’est fort dommage, car bon nombre de ses neuf Sonates constituent de stimulantes découvertes. Récemment au disque, ce furent ainsi l’Opus 20 par Aurelia Visovan (Arcana) puis l’ultime Opus 106 (IBS Classical). Et, l’avant‑dernière, l’Opus 81 (1826), choisie par Ablogin ne déçoit pas non plus. Après une entrée en matière d’une vigueur toute beethovénienne, les surprises harmoniques et expressives se succèdent à un rythme échevelé dans l’Allegro initial, témoignant clairement des talents de virtuose qui étaient ceux du compositeur, quitte à ce que cette virtuosité en devienne un peu trop bavarde ou complaisante. Le cœur de cette sonate d’assez vastes proportions réside dans son saisissant Largo con molto espressione central, entre nocturne à la Chopin et récitatif à la Beethoven. Tout feu tout flamme, le Vivace final tient de la fantaisie : s’enchaînent dans une profusion de notes et de manière un peu décousue de nombreux événements (mouvement perpétuel, toccata, rafales beethovéniennes, traits scarlattiens, fugato...) dont le brillant n’a rien à envier aux partitions les plus ambitieuses de l’époque en la matière (Konzertstück de Weber, Wanderer-Fantasie de Schubert, Premier Concerto de Mendelssohn).


Cet esprit de fantaisie continue de planer sur la Valse en ut dièse mineur opus 64 n° 2 (1847), premier des trois bis, tous de Chopin – il est toujours de bon ton de remercier l’hôte qui vous a invité. On en revient ensuite à quelque chose de plus orthodoxe dans le Nocturne en fa majeur opus 15 n° 1 (1831), mais le Nocturne en mi bémol majeur opus 9 n° 2 (1831) conclut avec une abondance d’ornements tout à fait inhabituelle.


Le site du Festival Chopin de Nohant
Le site de Dmitry Ablogin



Simon Corley

 

 

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