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Cent cinquante ans après Paris Maison de la radio et de la musique 07/02/2025 - Ambroise Thomas : Mignon : Ouverture
Georges Bizet : Les Pêcheurs de Perles (extraits) – Symphonie en ut
Giuseppe Verdi : Don Carlos (extraits) John Osborn (ténor), Alexandre Duhamel (baryton)
Orchestre national de France, Bertrand de Billy (direction)
 B. de Billy (© Marco Borggreve)
On n’imaginait pas une année Bizet, mort en 1875, l’année de Carmen, sans ce concert organisé par le Palazzetto Bru Zane. Le « gala » débute pourtant par l’Ouverture de Mignon, si jolie au début par les couleur des bois, avant que l’on reconnaisse la Berceuse de Lothario, la Romance de Mignon, la Polonaise de Philine. Une page qui allait de soi : avant de créer la cigarière, Célestine Galli‑Marié avait été la première Mignon et Bizet réalisa la réduction de l’œuvre pour piano.
Bertrand de Billy en offre une lecture vive et colorée, excellente introduction à des extraits des Pêcheurs de perles. Ceux‑ci ne suivent malheureusement pas le déroulement de l’intrigue et l’on est surpris de voir le duo de Nadir et de Zurga succéder à la Romance du premier et à l’air du second. John Osborn, en tout cas, confirme qu’il reste, avec Michael Spyres, un des meilleurs spécialistes du répertoire français, dont il a assimilé tous les codes, à commencer par la fidélité de la ligne de chant à la prosodie – souvenons‑nous de son Prophète de Meyerbeer à Aix. « Je crois entendre encore » séduit par la poésie du phrasé et le recours subtil à la voix de tête pour les aigus – rajoutés par la tradition à la fin. Alexandre Duhamel, lui, se signale par la noblesse du phrasé et la pertinence de la caractérisation, mais pèche par une tendance à détimbrer les nuances et à ne pas toujours chanter impeccablement juste – si l’on peut louer la qualité du timbre, on regrette aussi la modestie du grave. Sa mort de Posa n’en émeut pas moins, de même qu’émeut la Cavatine de Carlos par John Osborn. Ici encore, on a fait fi du cours de l’histoire et le duo des deux amis, qui clôt l’acte I, succède étrangement à la scène de la prison. On peut certes imaginer ces deux duos comme des retours en arrière, mais... Cela étant, la présence de Don Carlos se justifiait‑elle, alors que Bizet ne l’aimait guère ? Sans doute : l’opéra de Verdi date des mêmes années et c’est un opéra français. L’amitié gît également au cœur des deux partitions, brisée chez Bizet, exaltée chez Verdi.
Chef de théâtre accompli, Bertrand de Billy offre le meilleur soutien aux deux chanteurs. Il dirige ensuite la Symphonie en ut de Bizet à la tête d’un National des meilleurs jours, visiblement heureux sous sa baguette. L’Allegro vivo conserve sa fraîcheur juvénile, rien n’y pèse et l’orchestre restitue l’alacrité de ses rythmes et la vivacité de ses teintes. Le nostalgique Adagio lorgne pertinemment vers Schubert, avec des hautbois superbes de rondeur agreste. Le Scherzo est alerte sans être précipité, comme le Final, bondissant mais tenu. Tout le monde, chef ou musiciens, paraît prendre plaisir à cette Symphonie d’un adolescent de 17 ans, qu’il ne faut ni enrober ni émacier, où il n’est pas si facile de trouver le ton juste, notamment par le choix des tempos.
Didier van Moere
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