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Fête de fin d’année

Lyon
Auditorium Maurice Ravel
06/12/2025 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 1 en ut majeur, opus 15
Edward Elgar : Variations sur un thème original (« Variations Enigma »), opus 36

Piotr Anderszewski (piano)
Orchestre National de Lyon, Nikolaj Szeps‑Znaider (direction)


N. Szeps‑Znaider (© Julien Benhamou)


L’Auditorium-Orchestre National de Lyon clôt sa saison régulière, sans pour autant partir encore en vacances, puisque l’institution lyonnaise propose du 14 au 28 juin une riche programmation estivale : concert de l’ONL en plein air sur le parvis de l’Auditorium (14 juin), concert de l’Orchestre amateur de La Part‑Dieu (le 21), concert des enfants de la Métropole de Lyon associés au programme « Demos » (le 22), concert participatif (de nouveau avec l’ONL le 28), concerts de diverses formations de musique contemporaine... autant de manifestations gratuites, ouvertes et festives dont il convient de saluer l’initiative et dont il faut espérer qu’elles attirent un public plus large que celui des concerts traditionnels.


Traditionnel, le programme du soir l’est assurément, en associant deux pièces bien installées au répertoire et en invitant un soliste à la réputation établie, qui est en même temps un « régional de l’étape ». On sait que Piotr Anderszewski a quitté sa Pologne natale à l’adolescence pour venir vivre à Lyon et étudier au CNSMD de la ville. C’est avec l’un de ses concertos fétiches (qu’il a notamment enregistré en 2007) que cet artiste au répertoire sélectif se présente au public lyonnais. Composé entre 1795 et 1798, le Premier Concerto est certainement l’une des œuvres de jeunesse les plus réussies et les plus riches de Beethoven, comme en témoigne la pluralité d’approche qu’il autorise. On peut ainsi lui conférer un élan juvénile et tumultueux, qui anticipe l’énergie dionysiaque des œuvres ultérieures, comme le fait Edwin Fischer, irrésistible dans son enregistrement de cette page. A l’inverse, Michelangeli, se souvenant que le concerto a d’abord été composé pour permettre à Beethoven de briller en tant que pianiste, en souligne la perfection plastique et la puissance virtuose d’une manière presque effrayante, tandis qu’Alfred Brendel insiste sur sa grâce mozartienne, son piquant et ses traits d’esprit, particulièrement dans le Rondo final. Enfin, Pollini trouve un point d’équilibre quasi parfait entre toutes ces lectures, en y ajoutant, comme à l’accoutumée, une précision absolue dans la réalisation.


Par rapport à toutes ces conceptions stimulantes, Piotr Anderszewski se situe... ailleurs, mais on en comprend pas toujours bien où. Pendant une introduction dont Nikolaj Szeps‑Znaider fait ressortir sans excès le caractère martial, soulignant le moelleux des cordes et la définition des cuivres, le pianiste polonais semble perdu dans ses pensées. Les doigts accrochent d’ailleurs un peu lors de son entrée, avant que ne déploie un jeu détaché, piqué, économe de ses moyens, avec un manque de lisibilité dans certains traits. Si la sonorité est belle et l’investissement du soliste manifeste, on a l’impression qu’il ne se passe pas grand‑chose dans cet Allegro con brio initial. On perçoit surtout un décalage entre une partie orchestrale que Szeps‑Znaider continue à animer avec entrain et ce piano très distancié, qui ne semble guère se préoccuper de l’orchestre, et qui ne s’affirme que partiellement dans une cadence bien en place. Cette impression se confirme dans le Largo central, où la chaleur de l’orchestre ne trouve guère de répondant de la part d’un Anderszewski qui chante certes au piano, mais sans vraiment s’abandonner, sauf peut‑être à la fin du mouvement, lors du dialogue avec la splendide clarinette de Kévin Galy. Il en va de même dans le savoureux Rondo. Allegro scherzando, certes pris attaca, mais sans griserie par Anderszewski. Son jeu toujours sophistiqué et d’une grande rectitude ne trouve pas le mordant caractéristique du jeune Beethoven et semble comme emboîté, mais jamais fondu dans l’accompagnement pourtant soigné de Szeps‑2naider.


Néanmoins très applaudi, Piotr Anderszewski propose un bis toujours un peu décalé, avec la Sarabande de la Première Partita de Bach : prise dans un tempo retenu, avec de nombreux ornements et un rubato marqué, la pièce est belle et d’une conception très personnelle, mais cette élégance souveraine paraît à cent lieues de l’ardeur et de l’affirmation du concerto de Beethoven qui a précédé.


Après l’entracte, les Variations « Enigma » constituent une œuvre idéale pour conclure la saison « officielle » de l’orchestre. Si l’on n’ira pas jusqu’à dire qu’elle entre dans la catégorie des œuvres qui gratifient davantage le chef et ses musiciens que le public, la pièce d’Elgar a en effet un côté distribution des prix de fin d’année, puisqu’elle permet de faire briller chaque pupitre à tour de rôle : les premiers violons d’abord, puis l’ensemble des cordes dans l’énoncé du Thème et la première variation, le hautbois (toujours très investi) de Clarisse Moreau dans la troisième et l’intermezzo de la dixième variation (« Dorabella »), les altos dans la sixième (« Ysobel »), les trombones dans l’orage virtuose de la septième, les flûtes dans la huitième, le violoncelle solo d’Edouard Sappey-Triomphe dans la splendide douzième variation, les clarinettes dans l’énigmatique Romanza de la treizième. Si certains passages peuvent légèrement ennuyer par leur académisme, les Variations comportent tout de même d’impressionnants morceaux de bravoure, comme l’ample et solennelle cinquième variation, la tumultueuse et virtuose septième variation et bien sûr la solennelle variation « Nimrod » (la neuvième) devenue une œuvre quasi officielle au Royaume‑Uni et ici conduite d’une main de maître par Nikolaj Szeps‑Znaider. Après un Finale triomphant et bruyant, qui réunit la totalité de l’orchestre (orgue compris) dans une emphase joliment assumée, c’est avec reconnaissance que l’on voit les musiciens de l’orchestre se congratuler au terme d’une fort belle saison, et saluer avec émotion le départ d’un de leurs piliers, le contrebassiste solo Botond Kostyàk, après trente‑deux ans de bons et loyaux services au sein de l’ONL.



François Anselmini

 

 

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