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Tardifs débuts

Vienna
Musikverein
06/05/2025 -  et 6, 7, 8* juin 2025
Joseph Haydn : Symphonie n° 52, Hob. I:52
Gustav Mahler : Das Lied von der Erde

Tanja Ariane Baumgartner (mezzo), Daniel Behle (ténor)
Wiener Philharmoniker, Iván Fischer (direction)


I. Fischer (© Dániel Németh)


L’annulation de dernière minute de Franz Welser-Möst, une fois encore pour raisons de santé, a conduit à la désignation d’un remplaçant bien plus improbable qu’il n’y paraît. Alors qu’Adám Fischer est un invité régulier du Philharmonique de Vienne (vingt‑neuf concerts, et 363 représentations au Staatsoper), son frère Iván ne compte que trois concerts à son actif, il y a une douzaine d’années, en dehors de Vienne – sa dernière apparition au Staatsoper remontant à 1991. Autant dire que l’orchestre et le chef se découvraient quasiment lors de ce concert d’abonnement, et qu’entre la première lecture donnée au Konzerthaus et cette matinale dominicale au Musikverein, bien des ajustements ont dû avoir lieu.


La Cinquante-deuxième Symphonie de Haydn offre une introduction grave et tourmentée, inattendue mais parfaitement cohérente avec la seconde partie mahlérienne du programme. L’orchestre y déploie un spectre sonore orienté vers les tessitures graves, avec des timbres mats à peine éclairés par les rares lueurs du deuxième mouvement. Les phrasés sont ciselés avec une élégance contenue, des respirations fébriles relançant sans cesse le drame. Les mesures finales tombent comme un couperet de guillotine : alors que les contrastes dynamiques semblaient tamisés jusque‑là, le tranchant des instruments scintille soudainement, comme si les sourdines avaient été retirées. Hormis quelques imprécisions dans les cuivres, voici une interprétation fidèle et soignée, qui n’en fait ni trop ni trop peu, trouvant sa place entre lecture historiquement informée et approche moderne : bref, une introduction idéale à un opus qui ne figurait pas encore au répertoire de l’orchestre.


Après cette lecture aux teintes presque monochromes, Le Chant de la Terre déploie un festival de couleurs et de contrastes. On ne saurait imaginer plus grand écart dans l’alternance des parties vocales : d’un côté, Daniel Behle, au timbre lumineux, au lyrisme passionné et à l’élocution cristalline ; de l’autre, Tanja Ariane Baumgartner, au phrasé élégant mais contenu, dont la diction rend malheureusement le texte peu intelligible. Iván Fischer n’hésitant pas à pousser les dynamiques de l’orchestre, les chanteurs disparaissent occasionnellement dans la masse instrumentale, réservant également de beaux moments de fusion dans les derniers mouvements. La précision de la pulsation et la richesse des coloris (soulignant volontiers l’orientalisme des timbres, avec un usage très parcimonieux du vibrato) permettent de maintenir une tension dramatique constante et instillent une passionnante ambiguïté expressive, perceptible dans les volte‑face soudaines et les juxtapositions subtiles d’expressions. L’anéantissement et la noirceur ne sont ainsi jamais purement arides ou désolés : des fragments de sensualité, des réminiscences d’espoir émergent sans cesse à la surface de la musique, produisant une impression kaléidoscopique fascinante.


Nous ne pouvons qu’espérer revoir Iván Fischer, très applaudi par les musiciens, revenir plus souvent dans les saisons à venir.



Dimitri Finker

 

 

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