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Le triomphe de la jeunesse Paris Philharmonie 06/04/2025 - et 5* juin 2025 Maurice Ravel : Le Tombeau de Couperin
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 4, opus 40
Camille Saint‑Saëns : Symphonie n° 3, opus 78 Yunchan Lim (piano), Lucile Dollat (orgue)
Orchestre de Paris, Klaus Mäkelä (direction)
 Y. Lim, K. Mäkelä (© Mathias Benguigui)
Il faut le reconnaître : Yunchan Lim est un prodige. Celui qu’avait révélé, au concours Van Cliburn 2022, un éblouissant Troisième Concerto de Rachmaninov, offre un Quatrième tout aussi brillant, électrique même, où la virtuosité et la puissance vont de pair avec un éventail presque infini de nuances. L’infaillible technique fait fi des écueils redoutables des mouvements extrêmes, où les mains semblent parfois griffer le clavier, mais déploie des pianissimi suspendus dans l’Adagio, notamment au début. Mal aimé, méconnu, cet Opus 40 retrouve ici tout son lustre, porté également par la direction fougueuse et fouillée de Klaus Mäkelä, à l’unisson du Coréen – une même jeunesse, une même énergie conquérante. Tout juste cinquante ans à eux deux ! Gageons que le jeu du pianiste gagnera encore en profondeur et en couleurs – même si comparaison n’est pas raison, on ne pouvait s’empêcher de penser à ce que, la veille, Nelson Goerner tirait des Dix Préludes opus 23. Celui qu’on aurait pris pour un poney fou dans le Concerto joue ensuite deux bis somptueux, aussi inventifs que concentrés, à marquer d’une pierre blanche : l’Aria et la première des Variations Goldberg de Bach.
Le Concerto était précédé d’un Tombeau de Couperin de Ravel – déjà entendu il y a quelques mois – d’un extrême raffinement, tout en souplesse, où le chef finlandais continue de séduire par la finesse des textures, n’oubliant jamais, au‑delà de la perfection du détail, qu’il dirige une suite de danses. Vivacité ailée du Prélude, poses souriantes de la Forlane, élégance du Menuet, piquant d’un Rigaudon semblant lorgner vers Chabrier, rien n’échappe à cette direction qui n’oublie pas la poésie, ni à cet orchestre magnifique égalant ce soir les meilleurs. Tous deux s’illustrent à la fin dans une superbe Symphonie avec orgue de Saint-Saëns où se conjuguent la clarté et la grandeur sans que se confondent la pompe et le pompiérisme. L’Allegro moderato ne pèse pas, l’Adagio – où les basses de l’orgue résonnent assez sourdement – n’affadit pas l’émotion, la seconde partie est éruptive, jusqu’à l’apothéose des dernières mesures. Certains chefs ont tendance à « germaniser » la partition, elle garde ici ses teintes très françaises. Et Mäkelä la construit en dramaturge, l’arcboute sur son thème cyclique en grand maître de la forme – une qualité souvent remarquée chez lui. Ce garçon est étonnant.
Didier van Moere
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