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Les recyclages de Krzysztof Warlikowski

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/21/2025 -  et 24, 27 mai, 2*, 5 juin 2025
Richard Strauss : Der Rosenkavalier, opus 59
Véronique Gens (Die Feldmarschallin Fürstin Wendenberg), Niamh O’Sullivan (Octavian), Regula Mühlemann (Sophie), Laurène Paternò (Jungfer Marianne Leitmetzerin), Eléonore Pancrazi (Annina), Peter Rose (Der Baron Ochs auf Lerchenau), Jean‑Sébastien Bou (Herr von Faninal), Kresimir Spicer (Valzacchi), Francesco Demuro (Ein italienischer Sänger), Florent Karrer (Ein Polizeikommissar, Ein Notar), François Piolino (Der Haushofmeister bei der Feldmarschallin, Der Haushofmeister bei Faninal), Yoann Le Lan (Ein Wirt)
Chœur Unikanti, Maîtrise des Hauts‑de‑Seine, Orchestre national de France, Henrik Nánási (direction musicale)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczęsniak (scénographie, costumes), Claude Bardouil (chorégraphie), Felice Ross (lumières), Kamil Polak (vidéo)


(© Vincent Pontet)


Le travesti est-il vraiment une convention théâtrale ou révèle‑t‑il de sulfureuses ambiguïtés ? Et si la relation entre la Maréchale et Octavian était saphique ? C’est ce que montre aussitôt une vidéo. Krzysztof Warlikowski veut un Chevalier à la rose d’aujourd’hui, se référant à la « génération genderfluid », alors que des extraits du film de 1925 servent de contrepoint ironique. Et d’invoquer le racisme esclavagiste pour le petit Mohamed, l’antisémitisme pour Faninal le parvenu. Cela renouvelle‑t‑il Le Chevalier ? Nullement. Le metteur en scène polonais recycle à la fois le fonds de commerce de ses obsessions et de ses références – le cinéma américain, notamment – et les idées du jour – ou plutôt de la veille, car il y a longtemps que l’on voit ce genre de chose à l’Opéra. Ce qui était sulfureux est devenu banal : l’ambiguïté a disparu, la production ne suggère pas, elle assène lourdement, vulgairement même. Pas moins banale la mise en abyme, avec ce décor de salle de spectacle (la Comédie des Champs‑Elysées, nous dit‑il), où la Maréchale tourne un film en compagnie d’un Chanteur italien aux allures de boxeur, et assiste, du balcon, au début du deuxième acte. Pour ne rien dire des travestissements de tout poil, de la diversité ethnique et de la breakdance. Le spectacle est surtout inabouti, éclaté, pas toujours dramatiquement cohérent, moins virtuose que laborieux. Il n’amuse pas, avec une direction d’acteurs assez traditionnelle pour les protagonistes – Ochs est assez pâle. La partition perd sa lisibilité, devient parfois inintelligible, sans gagner en force. La trivialisation du propos fait long feu, du début où la Maréchale se lave les dents devant son lavabo, à la fin où elle raconte son histoire à son mari... qui préfère quitter la pièce, la renvoyant à sa solitude de femme abandonnée par son amant. Voilà un des ratages de « Warli ».


On l’aura compris : Vienne n’est plus dans Vienne. Du côté de la fosse non plus. Henrik Nánási raidit les valses, reste étranger à la sensualité et à la poésie de certains moments, ne suspend pas la présentation de la rose, s’en tient à une lecture décapée, mais trop sèche de la partition, peu aidé, il est vrai, pas le National. Au moins peut‑on le créditer d’un certain sens du théâtre. Il dirige une distribution honorable à défaut d’être mémorable. Saluons la prise de rôle de Véronique Gens, un peu timide au début, qui devient à partir du monologue une belle Maréchale, à la ligne élégante, attentive aux mots – on la reconnaît bien là – et pleine de nostalgie douce‑amère. Les fêlures de la voix, notamment dans le médium, ne messiéent pas, finalement, au personnage. Le beau mezzo homogène de Niamh O’Sullivan, au phrasé impeccable, a toute l’ardeur du jeune Octavian, un peu monolithique cependant – pour elle aussi une prise de rôle, en remplacement de Marina Viotti alors que Véronique Gens remplace Marlis Petersen. Regula Mühlemann incarne Sophie d’une voix légère aux aigus diaphanes, complétant un trio féminin d’assez belle eau. Peter Rose, en revanche, doit composer avec une voix usée dont les extrémités se dérobent, souvent à peine audible, de toute façon depuis toujours baryton‑basse plutôt que basse profonde, déséquilibrant le plateau par son Ochs en bout de course, à l’opposé de ce que réclame la partition. Une fois n’est pas coutume, le gendre éclipse le beau‑père : le Faninal de Jean‑Sébastien Bou affiche, lui, une éclatante santé vocale. Le reste de la distribution assure, avec un Francesco Demuro plus Chanteur italien que caricature.



Didier van Moere

 

 

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