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Un lieu insolite

Berlin
Piano Salon Christophori
05/29/2025 -  
Franz Schubert : Sonate en si bémol majeur, D. 960
Serge Rachmaninov : Moments musicaux, opus 16 (extraits) – Variations sur un thème de Corelli, opus 42

Georgy Gromov (piano)


G. Gromov (© Stéphane Guy)


ConcertoNet n’avait jamais eu l’occasion de se rendre dans cette salle berlinoise un peu mythique, le Piano Salon Christophori, au nom moins lié à l’inventeur du piano, Bartolomeo Christofori (avec un « f »), qu’au fondateur du lieu en 2004, Christoph Scheiber, un neurologue passionné de musique. A l’extérieur, il s’agit d’un vaste hangar de briques perdu dans un quartier nord de Berlin (Wedding). A l’intérieur, c’est une sorte de bric‑à‑brac, entre brocante et atelier, où tout est dépareillé. Les lieux sont encombrés de vieux pianos désossés, de pédales, de mécaniques abandonnées, de tapis élimés, de quelques croûtes aux murs, de lustres différents, d’échelles, de lampes sur pied, de photos de pianistes passés par là et... de chaises placées autour d’une modeste estrade installée au fond et où trône un monumental Bösendorfer. Les baies latérales, manifestement mal isolées, sont doublées par du film plastique à bulles ; il y a un peu de poussière dans ce bazar et des toiles d’araignées mais le lieu respire la vie et l’amour de la musique, c’est l’essentiel. Des boissons sont disponibles en libre‑service à l’entrée (bières, vin blanc, vin rouge, eau). Elles permettent de patienter avant le début du concert, pendant qu’un accordeur règle le piano.


Quand il est l’heure, après l’annonce des prochains concerts, le pianiste du soir, Georgy Gromov (Russe né en 1980 et formé en partie en Allemagne) traverse à grandes enjambées le parterre et saute littéralement sur l’estrade. Habillé en frac, ce qui détonne compte tenu de l’endroit, passablement underground, il présente en allemand l’immense Sonate D. 960 (1828) de Franz Schubert (1797‑1828). Il la débute ensuite avec une certaine lenteur mais sans l’habiter pour autant. C’est pataud et lourd. Les deux premiers mouvements en deviennent, avec leurs reprises, interminables. Ça n’avance pas. Les aigus sont plaqués ou noyés par la pédale de forte. Le troisième mouvement convient mieux au pianiste mais le dernier resombre, sans grâce aucune. Le pianiste est décidemment passé à côté de la densité de cette œuvre incroyable.


La pause permet de reprendre des forces autour d’un nouveau verre, dans l’espoir de plus de réussite dans le cadre de la seconde partie, exclusivement russe. Elle commence, après sa présentation émaillée de vacheries de Prokofiev à l’endroit de son compatriote expatrié, faisant rire l’assistance, par non pas trois comme annoncé sur le petit bout de papier servant de programme, mais deux des six Moments musicaux de Serge Rachmaninov (1873‑1943). Le contraste entre main gauche et main droite aurait pu être plus net dans le premier et le second manque de clarté, avec encore des aigus plaqués, mais c’est nettement meilleur. Les vingt Variations sur un thème de Corelli (1931) montrent enfin un pianiste dominant son sujet. Comme Georgy Gromov l’avait indiqué, on se promène non pas du côté de l’Italie mais de l’Espagne, la guitare ou les castagnettes n’étant pas loin. Les surprises ne manquent pas et la fantaisie est au rendez‑vous, le pianiste faisant montre d’une certaine subtilité. Il est du coup chaleureusement applaudi et conclut son concert, joué sans aucune partition sous les yeux, par, hors programme, le célèbre Deuxième Prélude de l’Opus 3, sans esbroufe et excès de rubato. Un bis qui était souvent réclamé au virtuose Rachmaninov lui‑même.



Stéphane Guy

 

 

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