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Vie, mort et au-delà Vienna Musikverein 05/28/2025 - et 29* mai 2025
28 mai 2025 – et 24 (Paris), 27 (Linz) mai 2025
Lili Boulanger : D’un matin de printemps
Alban Berg : Concerto pour violon « Dem Andeken eines Engels »
Joseph Haydn : Symphonie n° 7 en ut majeur « Le Midi », Hob. I:7
Richard Strauss : Tod und Verklärung, opus 24 Patricia Kopatchinskaja (violon)
29 mai 2025 – et 21 mai 2025 (Paris)
Ralph Vaughan Williams : Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis
Ernest Bloch : Schelomo
Maurice Duruflé : Notre Père, opus 14
Gabriel Fauré : Requiem, opus 48
Raphaëlle Maillard (soprano), Gareth Brynmor John (baryton), Julia Hagen (violoncelle)
Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien, Orchestre philharmonique de Radio France, Mirga Grazinytė‑Tyla (direction)
 M. Grazinytė‑Tyla (© Andreas Hechenberger)
Voici une série de concerts articulés autour du thème de la vie, de la mort et de l’au‑delà, dans un programme que l’on trouvera au choix intrigant et révélateur – ou bien déroutant, et logistiquement coûteux, obligeant à des reconfigurations systématiques de chaises entre les pièces. Les programmes à thèmes reposant sur une thèse intellectuelle fonctionnent peut‑être mieux au disque qu’en salle, l’absence de fluidité entre les œuvres y étant moins sensible ; il serait injuste toutefois de bouder le plaisir d’entendre en concert des pièces assez rarement jouées.
Les prestations de la première soirée se révèlent un peu inégales. L’orchestre donne parfois l’impression de se chercher dans l’acoustique du Musikverein, et ne parvient pas toujours à se projeter avec l’ampleur suffisante. Ainsi, dans le pièce de Lili Boulanger, les timbres sont un peu verts, en partie compensés par un surcroît de gaillardise. En présence de Patricia Kopatchinskaja, on pouvait s’attendre à vivre une expérience artistique originale prenant comme point de départ le Concerto pour violon de Berg – celui‑ci est assez habilement encadré de deux citations musicales utilisées par le compositeur : un arrangement de chant populaire carinthien, bucolique à souhait, entre la soliste arrivant pieds nus et la cheffe d’orchestre l’attendant assise sur le podium ; puis, un extrait de cantate de Bach, donnant à entendre les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France chanter avec un professionnalisme qui les rapproche du niveau de leurs collègues de l’Orchestre du Festival de Budapest, eux aussi habitués à un tel exercice. La lecture du concerto comporte évidemment son lot d’excentricités, qui se regardent autant qu’elles s’entendent. Notons cependant un accompagnement au caractère chambriste très réussi, et un bel effort des musiciens pour suivre la soliste dans des rubatos à l’imprévisibilité chaotique. La Symphonie « Le Matin » de Haydn ne s’en sort pas aussi bien : malgré des effectifs réduits (trois pupitres de premiers violons, jouant tous debout), l’interprétation manque de tranchant, proposant une vision anachronique qui hésite entre une lecture romantique pleinement assumée et une approche historiquement véritablement informée. Le poème symphonique de Strauss Mort et transfiguration réserve les meilleures surprises du premier concert, commençant de manière assez statique, et développant progressivement une texture de sonorités voluptueuses et rageuses pour conclure sur une coda teintée d’une nostalgie bouleversante.
Hasard du calendrier, intérêt populaire pour le Requiem de Fauré, ou curiosité à l’encontre de Julia Hagen, la jeune salzbourgeoise étoile montante du violoncelle – toujours est-il que le public était nettement plus nombreux lors du second concert. La Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis de Vaugham Williams est abordée avec une conviction absente la veille, et malgré quelques scories dans un legato trop emphatique, elle offre des dynamiques plus franches, des sonorités plus majestueuses et des oppositions entre tutti et soli bien intégrées. L’entrée en scène de Julia Hagen pour interpréter Schelomo fait instantanément monter la tension. A 29 ans, la musicienne impose une présence remarquable, doublée d’une générosité saine et robuste ; usant sans excès ou extravagance de portamenti agogiques, elle rend à la partition toute sa dimension rapsodique. Sa maturité et perception naturelle de l’environnement musical sont véritablement extraordinaires. Le Requiem de Fauré permet enfin d’entendre le meilleur de Mirga Grazinytė‑Tyla. Trouvant le ton juste, cultivant une onctuosité sans préciosité des timbres, et illuminant les raffinements harmoniques sans tomber dans le piège de la grandiloquence, la cheffe lituanienne sait communiquer l’intime, la noirceur et le tragique de la partition. Les chœurs sont remarquables, notamment dans le velouté des piano ; le baryton Gareth Brynmor John est parfois presque peu trop élégant, flirtant avec le bel canto ; la jeune soprano Raphaëlle Maillard enfin, issues des rangs de la Maîtrise de Radio France, conjugue pureté infantile et maturité technique. La meilleure des manières pour conclure l’ambitieux et composite programme de cette courte tournée.
Dimitri Finker
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