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Un parrain berné Liège Opéra royal de Wallonie 05/17/2025 - et 20, 23, 25*, 28 mai 2025 Gaetano Donizetti : Don Pasquale Ambrogio Maestri (Don Pasquale), Maria Laura Iacobellis (Norina), Maxim Mironov (Ernesto), Marcello Rosiello (Dottor Malatesta), Benoît Delvaux (Un notaro)
Chœur de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Dayner Tafur‑Díaz (direction musicale)
Mirabelle Ordinaire (mise en scène), Philippine Ordinaire (décors), Françoise Raybaud (costumes), Nathalie Perrier (lumières)
 (© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie)
La saison à l’Opéra royal de Wallonie se poursuit avec Don Pasquale (1843), un choix judicieux : cet opéra‑bouffe n’avait plus été joué depuis 2009, c’était en version de concert. Le décor très réaliste de cette production ne manque d’ailleurs pas d’impressionner, et il permet de situer clairement l’action, à Manhattan, à Little Italy, plus précisément, dans les années 1950. Don Pasquale possède une pizzeria qui sert de prétexte à de louches agissements, tenus secrets. La mafia, donc : la présence d’armes à feu, plus que les costumes, ne laisse planer aucun doute. Et fait suffisamment rare pour être signalé, c’est un quatuor féminin qui se charge de la scénographie, Mirabelle Ordinaire pour la mise en scène, sa sœur Philippine pour les décors, Françoise Raybaud pour les costumes, Nathalie Perrier, enfin, pour les lumières.
La transposition ne nous déplait pas, mais nous n’hésitons pas à divulgâcher la toute fin que nous estimons, et nous ne sommes pas seuls à le penser, au vu de la réaction de certains spectateurs autour de nous, absolument ridicule, et même franchement contestable. Don Pasquale monte dans son bureau pour... se suicider, à l’aide de son revolver. Cette idée totalement à l’encontre de l’esprit du genre suffit à disqualifier cette mise en scène pour le reste de belle facture et bien enlevée, malgré la présence parfois un peu trop importante de figurants. Tout le monde s’attendait à ce que Werther, le mois passé, finisse de la sorte, mais personne n’imagine une telle conclusion pour Don Pasquale. La metteuse en scène, qui aurait peut‑être conçu le même destin pour Falstaff, semble avoir oublié qu’il y a certainement, chaque soir, dans la salle, des spectateurs dont un proche, voire un très proche, s’est donné la mort, plus ou moins récemment, ce qui doit certainement raviver de douloureux souvenirs. Et manifestement personne, ni le directeur général, ni le chef, ni même l’interprète du rôle‑titre, par ailleurs excellent, ne s’y est opposé.
La distribution répond, en revanche, pleinement aux attentes. Ambrogio Maestri, réputé dans ce genre de rôle de caractère, chante pour la première fois sur cette scène, et il ne déçoit vraiment pas, en Don Pasquale, malgré un jeu d’acteur, par moments, à la limite du cabotinage, bien que ce type d’opéra suscite les excès. Don Pasquale constitue un rôle idéal pour cet interprète truculent, tant l’adéquation à la fois vocale et physique entre le chanteur et son personnage semble évidente. La Norina de Maria Laura Iacobellis, aussi pour la première fois à l’affiche d’une production à l’Opéra royal de Wallonie, constitue une excellente surprise. La soprano campe son personnage avec humour et aplomb, et affiche une assez remarquable maîtrise vocale, l’interaction avec Don Pasquale fonctionnant admirablement. Le rôle d’Ernesto réussit bien aussi à Maxim Mironov, qui ne semble aucunement rencontrer de difficultés. Le ténor affiche, sans surprise, en regard de ses précédentes apparitions sur cette scène, du style et de la finesse, le métier étant bel et bien celui d’un chanteur expérimenté dans le répertoire italien de la première moitié du dix‑neuvième siècle, Rossini en particulier. Excellent Malatesta, enfin, de Marcello Rosiello, quasiment parfait de chic et de malice.
L’Opéra royal de Wallonie organise depuis quelques années un concours de direction d’orchestre d’opéra. Et il revient à celui qui a remporté le premier prix en 2022 de diriger cette production. Emmené par Dayner Tafur‑Díaz, l’orchestre joue la musique de Donizetti avec soin, vitalité et clarté, mais pas tout à fait avec toute la subtilité et la transparence attendues. Mais le chef, qui possède un fort métier, met bien en valeur les parties d’orchestre, et les musiciens procurent autant de plaisir que les chanteurs. Fort bons choristes, enfin, assez vifs, mais qui paraissent, une fois tous réunis, un peu à l’étroit dans ce décor. Mais quel dommage de saboter ainsi une mise en scène à la fin, alors que tout se déroulait si bien.
Sébastien Foucart
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