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Une réussite totale

Nantes
Théâtre Graslin
05/24/2025 -  et 7, 9, 11, 13, 15 (Rennes), 26, 28, 30 mai, 1er (Nantes), 16, 18 (Angers) juin 2025
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte, K. 621
Maximilian Mayer (Tamino), Elsa Benoit (Pamina), Lila Dufy (La Reine de la nuit), Damien Pass (Papageno), Nathanaël Tavernier (Sarastro), Amandine Ammirati (Papagena), Benoît Rameau (Monostatos), Elodie Hache (Première dame), Pauline Sikirdji (Deuxième dame), Laura Jarrell (Troisième dame), Thomas Coisnon (Premier prêtre, Second homme en armes, Orateur), Paco Garcia (Second prêtre, Premier homme en armes)
Chœur de chambre Mélisme(s), Gildas Pungier (chef de chœur), Maîtrise de Bretagne, Maud Hamon‑Loisance (chef de chœur), Orchestre national de Bretagne, Nicolas Ellis (direction musicale)
Mathieu Bauer (mise en scène), Chantal de La Coste-Messelière (costumes, décors), William Lambert (lumières), Florent Fouquet (vidéo)


D. Pass, E. Benoit (© Laurent Guizard)


Dix ans après la reprise du spectacle de Patrice Caurier et Moshe Leiser (voir ici), Angers Nantes Opéra s’offre une nouvelle production de La Flûte enchantée. Déjà présentée à Rennes début mai, cette proposition imaginée par Mathieu Bauer, dont c’est là la deuxième incursion dans le domaine lyrique après The Rake’s Progress de Stravinski (toujours à Rennes, en 2022 ), émerveille par sa fantaisie lumineuse : en plongeant l’auditeur dans les mystères d’une fête foraine au charme d’antan, le récit s’entremêle dans les méandres des différents manèges, en un décor unique revisité avec brio.


Le metteur en scène français Mathieu Bauer (né en 1971), directeur du Théâtre de Montreuil entre 2011 et 2022, poursuit son exploration du répertoire lyrique avec bonheur, lui a qui a toujours montré une propension à inclure la musique dans ses pièces de théâtre, en n’hésitant pas à jouer de la batterie dans la plupart de ses spectacles. Si la partition de Mozart n’offre guère l’opportunité d’inclure de telles audaces, ce dont les puristes ne se plaindront guère, c’est davantage du côté théâtral que Bauer s’exprime, en cherchant à rendre plus lisible le récit, aux nombreux personnages. L’idée de présenter chacun d’entre eux au début, via le personnage de Sarastro transformé en maître de cérémonie, permet ainsi une meilleure compréhension pour le profane, tandis que le dévoilement de l’ensemble des éléments scénographiques incite à mettre à distance les artifices de la scène et mieux se concentrer sur le texte.


On se régale de la finesse et de la malice de chaque détail du décor, exploré par les personnages tout du long, tout autant que des costumes décalés, qui rendent hommage aux années 1960‑1970 (façon hôtesses de l’air pour les trois Dames ou membres du vaisseau Star Trek pour les religieux). Bauer évite de démêler les allusions maçonniques, souvent évoquées dans le double récit initiatique de Tamino et Papageno, pour privilégier une sorte d’ambiance rêveuse et bon enfant, dont l’issue favorable ne fait aucun doute. Dans cette optique, tout aspect manichéen est minoré, pour brosser le profil de méchants délicieusement inoffensifs, aux maladresses burlesques et attachantes (au début du II notamment). Bauer a aussi la bonne idée de développer la scène d’ivresse de Papageno, osant des allers‑retours savoureux dans les dialogues en français et allemand. Outre quelques clins d’œil poétiques lors d’une chorégraphie façon boîte à musique, on aime la fin en forme de concorde entre tous les personnages, chœur compris, comme si la multiplicité des trajectoires possibles pour réussir sa vie se voyait conciliée, sans privilégier celle du philosophe Tamino ou du terrestre Papageno.


Outre le plaisir visuel, la réussite du spectacle vient du plateau vocal de tout premier plan réuni à Nantes, autour de chanteurs d’une jeunesse vocale rayonnante. Ainsi d’Elsa Benoit, qui donne à sa Pamina toute l’aisance de phrasés raffinés et aériens, d’une homogénéité admirable sur toute la tessiture. On aime aussi la superbe Reine de la nuit de Lila Dufy, d’une élégance de ligne toute aussi prenante, entre souplesse et rondeur d’émission, sans jamais donner l’impression de forcer. C’est précisément en ce dernier domaine que Maximilian Mayer (Tamino) déçoit dans l’aigu, tout en se montrant très solide par ailleurs. On lui préfère toutefois le Papageno déchirant d’humanité de Damien Pass, véritable révélation de la soirée. Son aisance scénique donne beaucoup de crédibilité à son personnage mi‑adolescent, mi‑enfant, au ton toujours juste. Quel bonheur, aussi, de se délecter de la noblesse de ligne de Nathanaël Tavernier (Sarastro), au timbre suave et parfaitement projeté. Outre la délicieuse Amandine Ammirati (Papagena), Benoît Rameau s’impose dans son rôle trouble de Monostatos, à l’instar du Chœur de chambre Mélisme(s), toujours très impliqué.


Malgré quelques verdeurs en tout début d’Ouverture, l’Orchestre national de Bretagne se chauffe peu à peu pour épouser la vision chambriste du jeune chef québécois Nicolas Ellis (né en 1991), entre fluidité des transitions et mise en valeur du plateau vocal. Il faut courir applaudir ce spectacle très réussi en salle ou en plein air, qui sera retransmis gratuitement le mercredi 18 juin prochain sur pas moins de quatre‑vingt‑cinq écrans de l’ouest de la France jusqu’en Allemagne (à Sarrebruck).



Florent Coudeyrat

 

 

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