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Un Nabucco de haute tenue Neuchâtel Théâtre du Passage 04/28/2025 - et 1er, 3 mai 2025 Giuseppe Verdi : Nabucco Manuel Mas (Nabucco), Frédérique Friess (Abigaille), Rubén Amoretti (Zaccaria), Annina Haug (Fenena), Javier Tomé (Ismaele), Gennaro Moné (Abdallo), Ana Gabaldon (Anna), Ismael Arróniz (Grand Prêtre de Babylone)
Chœur Lyrica Neuchâtel, Pascal Mayer (préparation), Musique des Lumières, Facundo Agudin (direction musicale)
Robert Bouvier (mise en scène), Brian Aubert (assistant à la mise en scène), Xavier Hool (décors), Faustine Brenier, Samuel Vez (costumes), Pascal Di Mito (lumières), Alfonso De Filippis (dramaturgie)
 (© Rose Gubian)
La petite ville suisse de Neuchâtel, qui compte à peine 45 000 habitants, vient de vibrer aux accords d’un Nabucco que n’auraient pas renié les grandes scènes lyriques internationales. Le mérite en revient en premier lieu aux maîtres d’œuvre principaux du spectacle, Rubén Amoretti pour la partie vocale et Robert Bouvier pour le volet scénique. Le premier, chanteur se produisant dans les théâtres les plus importants, a eu la main particulièrement heureuse et a réussi à réunir une distribution de très haut vol. Le Nabucco de Manuel Mas a séduit par son chant noble et racé, aux accents aussi sobres que déterminés et à la ligne impeccable. Scéniquement, le baryton a bien su dessiner l’évolution du personnage, passant des imprécations autoritaires du début aux traits humains et tourmentés de la fin. Frédérique Friess n’a eu aucune peine à venir à bout du rôle d’Abigaille, l’un des plus périlleux du répertoire. Elle a fait fi crânement des nombreuses vocalises et des sauts d’octave redoutables de la partition, avec des aigus lumineux et des graves sonores. Le personnage est aussi passé avec fluidité du dédain et du mépris des premières notes au repentir et à l’émotion des accords finaux. Annina Haug a incarné une Fenena noble et douce, aux accents corsés et chauds, malgré quelques aigus stridents. Javier Tomé a été un Ismaele ardent et passionné, au chant héroïque, au détriment parfois des nuances. Et, last but not least, Rubén Amoretti s’est taillé un franc succès en Zaccaria, avec son timbre puissant et bien projeté, ses graves particulièrement sonores et son splendide legato.
Une mention particulière est à décerner au Chœur Lyrica, dont les interventions ont occupé une place importante tout au long de la soirée. Préparé avec soin par Pascal Mayer, il a brillé par sa cohésion, sa précision et son sens des nuances. La formation Musique des Lumières, sous la direction de Facundo Agundin, a, pour sa part, offert une lecture dynamique et contrastée du chef‑d’œuvre de Verdi, une lecture ample et majestueuse, qui a permis à la musique de respirer et de se déployer entièrement, sans entraves.
Le metteur en scène et comédien Robert Bouvier, d’abord homme de théâtre, est aussi un amoureux d’opéra, ce dont lui savent gré les mélomanes neuchâtelois. Il a monté jusqu’ici plus d’une quinzaine d’ouvrages lyriques et deux comédies musicales. Son Nabucco – qui aurait dû être présenté en avril 2020, mais la pandémie en a décidé autrement – est particulièrement sobre et épuré, se déroulant sur un plateau quasiment nu, avec pour seuls éléments de décor des perches descendues des cintres, un grand trône sur lequel va s’asseoir Abigaille et des plantes vertes suspendues symbolisant les jardins de Babylone. Robert Bouvier a prouvé avec brio qu’avec trois bouts de ficelle et quelques idées, on peut réussir un spectacle de qualité.
Claudio Poloni
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