Back
Liszt en majesté Paris Salle Cortot 04/30/2025 - Franz Liszt : Etudes d’exécution transcendante, S. 139 – Sonate en si mineur, S. 178 Andrey Gugnin (piano)
 A. Gugnin (© Jean‑Marie Tabourel)
La dernière soirée de cette saison des « Nuits du piano » à la salle Cortot dirigée par Patrice Moracchini permettait au public parisien de découvrir le Russe Andrey Gugnin dans un programme copieux entièrement consacré à Franz Liszt.
Auréolé d’un prestigieux palmarès de concours internationaux (Concours Gina Bachauer en 2014, Concours Beethoven de Vienne en 2013, Sydney en 2016, Piano Forum Francfort en 2023, Classic piano international à Dubaï en 2024), ce jeune pianiste russe aux allures de lutin est plus connu au Royaume‑Uni par ses concerts et enregistrements que chez nous, car hormis aux Mecque du piano que sont les festivals de La Grange de Meslay en Touraine et « Les Nuits du piano » d’Erbalunga en Corse, le public français ne le connaît guère. Il est, comme Lukas Genusias et Vadym Kholodenko, un des derniers grands élèves de Vera Gornostaïeva à Moscou.
Andrey Gugnin attaque les douze Etudes d’exécution transcendante de Liszt avec éclat. Le son très puissant l’est un peu trop pour cette salle aux dimensions modestes et à l’acoustique parfaite, qu’il domptera au cours de cet impressionnant parcours de quasiment une heure trente de virtuosité intransigeante. Si la salle est plutôt pleine, elle est moins recueillie que lors du récent récital de lieder de Schubert par Samuel Hasselhorn pendant lequel on aurait pu entendre une mouche voler. Les publics se suivent et ne se ressemblent pas... Très rapidement, on sent la résistance et la concentration du public s’épuiser et bien que les inconfortables fauteuils, dont le système rotatif a été condamné, ne grincent plus, c’est le bois qui craque, heureusement entre les Etudes, et les toux qui fusent. C’est hélas le prix à payer pour profiter de la programmation très originale de cette petite salle parisienne, qui peu à peu retrouve un lustre ancien à des prix très doux, voire la gratuité.
On ne détaillera pas les douze Etudes, auxquelles Andrey Gugnin rend justice par une virtuosité sans faille mais dont il exalte aussi la grande musicalité, donnant un relief particulier à chacune de ces pièces, qui, jouées dans l’intégralité du cycle, prennent une plus grande signification narrative que lorsqu’elles sont jouées séparément. On reste impressionné par le sang‑froid du pianiste tout au long de cette extraordinaire prestation, réalisée, il faut le signaler car c’est aujourd’hui de moins en moins la règle, entièrement par cœur !
La Sonate en si mineur est un autre voyage, dans lequel Andrey Guglin nous entraîne dès les premières notes, ne relâchant jamais la tension de ce grand arc, en détaillant les thèmes faustiens avec des miracles de sonorité et lui donnant une dimension quasi religieuse, maintenant la concentration du public (un peu raréfié pour cette seconde partie) à un niveau remarquable.
Le concert s’est achevé, la pianiste n’étant pas au bout de ses ressources, avec une fluidité magique, grâce à l’un des Préludes de l’Opus 32 de Rachmaninov, le très impressionniste Cinquième.
Olivier Brunel
|