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Suite et fin

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac‑Arqana)
04/26/2025 -  
Anton Webern : Langsamer Satz (arrangement Gerard Schwarz)
Arnold Schönberg : Kammersymphonie n° 2, opus 38
Gustav Mahler : Lieder eines fahrenden Gesellen (arrangement Arnold Schönberg)

Stéphane Degout (baryton)
L’Atelier de musique, Pierre Dumoussaud (direction)


(© Stéphane Guy)


La charte du festival de musique de chambre de Deauville stipule que doivent être programmées des œuvres contemporaines. Ce n’est malheureusement plus le cas, et depuis quelque temps. Le septième et dernier concert du vingt‑neuvième Festival de Pâques de Deauville avait ainsi retenu des œuvres de deux compositeurs phares de la seconde école de Vienne, les plus récents de la programmation, Anton Webern (1883‑1945) et Arnold Schönberg (1874‑1951), toutefois pas du tout de leur période sérielle mais bien plutôt post‑romantique, et ce choix était souligné par l’inscription en sus, au programme, d’une œuvre de Gustav Mahler (1860‑1911) incarnant si bien cette fin de siècle (le dix‑neuvième).


Leur écoute, après une intervention du maire de Deauville, Philippe Augier, dans laquelle l’élu souligna, à l’occasion de cette suite et fin de festival, tout l’attachement de la ville pour ce rendez‑vous musical annuel, et ce depuis ses débuts, et exprima sa profonde reconnaissance pour tout le travail accompli par son directeur artistique Yves Petit de Voize, fut précédée par une intervention du journaliste Ivan A. Alexandre. Celui-ci, tournant le dos à la moitié du public, présenta les œuvres des Viennois dans un propos interminable, comme si elles devaient être plus contextualisées que d’autres, allant même jusqu’à évoquer Joseph II, Frédéric II de Prusse et Salieri, qui n’a pas assassiné Mozart, l’installation de Schönberg aux Etats‑Unis à quelques mètres de la maison de Stravinsky (qui en fait se fixe sur la côte ouest en 1940 après l’achèvement de l’œuvre de Schönberg programmée) et montrer du doigt ce très curieux instrument sur la scène (l’harmonium) qui « fait peur aux enfants ». Ces propos malencontreux conduisirent à quelques huées, surprenantes à Deauville et, à vrai dire, assez inconvenantes mais cette intervention était‑elle vraiment nécessaire ?


La première œuvre inscrite au programme, Langsamer Satz (1905), est une partition de jeunesse et l’une des plus «sages » de Webern. Découverte en 1962, elle n’a même pas de numéro d’opus. On est très loin du Webern pur et dur de la maturité, ô combien fascinant. De surcroît, au lieu de nous être proposée comme l’an dernier dans sa version originale pour quatuor à cordes, c’est un arrangement pour orchestre à cordes du chef américain Gerard Schwarz (né en 1947) qui est retenu. Il est tourné, de force, vers un post‑romantisme boursouflé, lorgnant du côté de La Nuit transfigurée (1899) de Schönberg. Tout en devient lourd et sirupeux, sans doute pour contenter un orchestre américain, et finalement décevant malgré toute la rigueur de Pierre Dumoussaud à la direction.


La Seconde Symphonie de chambre (1939), issue d’un long processus de création de Schönberg, sans grand rapport avec Stravinsky, est autrement plus intéressante. Ivan A. Alexandre avait annoncé une instrumentation comme allant « par deux ». Sur scène, il y a deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, deux cors, deux trompettes, deux violoncelles, deux contrebasses mais trois altos et huit violons, l’œuvre relevant alors plus de la musique orchestrale que de la musique de chambre. Elle résultait, il est vrai, d’une commande américaine ; il fallait des effectifs. Les deux mouvements, qui ne s’inscrivent pas dans le mouvement atonal ou dodécaphonique, sont remarquables et l’interprétation les valorise superbement. Elle prolongeait fort dignement celle qui avait été donnée de la Première Symphonie de chambre l’an dernier sous la même direction agitée mais précise de Pierre Dumoussaud. Une fort belle initiative.


Le voyage viennois ne s’arrêtait pas là puisque le public eut droit, comme en 2011, à une rareté : les Chants d’un compagnon errant (1896) de Mahler dans la version arrangée par Schönberg en 1920, avec cependant un harmonium à la place d’un accordéon comme entendu précédemment à Deauville, harmonium qu’on n’entendait quasiment pas à l’endroit où nous étions placés. Stéphane Degout, le baryton, se tient en fond de scène, derrière les vents (remarquable Mathilde Caldérini à la flûte), pour des raisons acoustiques. Moins connu dans ce répertoire, il y excelle pourtant. Il est convaincant de bout en bout, avec une stabilité vocale quelle que soit l’endroit de la tessiture. Tout est parfaitement tenu et, du coup, émouvant. La berceuse du dernier lied est marquée par une délicatesse infinie, le timbre de velours du chanteur, sa probité, ses pianissimos, nous faisant rendre les armes. Magnifique. Mais, en vérité, tous les membres de L’Atelier de musique, réunissant pour l’occasion cinq générations présentes au festival, doivent être félicités. Parmi eux, mention spéciale pour le jeune violoniste Jules Dussap, remarquable de sang‑froid lorsqu’une des cordes de son instrument cassa, et Philippe Hattat au piano jouant tantôt à la place de la harpe tantôt le rôle des percussions.


Pierre Dumoussaud reconnut que cette seconde partie était un peu courte. Il s’amusa alors à traduire quelques paroles, assez naïves au demeurant, du deuxième lied, Ging heut’morgen über’s Feld, avant d’offrir au public, encore moins nombreux que la veille, ce qui est proprement incompréhensible, sa reprise. Nouvelle réussite.


Prochain rendez-vous, le 31 juillet dans cette même salle. Il faut y venir ! En attendant, on pourra réentendre le concert sur France Musique le 23 mai prochain.



Stéphane Guy

 

 

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