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Blanc, noir et rouge Innsbruck Tiroler Landestheater 03/22/2025 - et 3, 13, 26*, 30 avril 2025, 4, 22 mai 2025, 13 juin 2025 Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Eugène Onéguine, opus 24 Abongile Fumba (Larina), Marie Smolka*/Indrė Pelakauskaitė (Tatiana), Bernarda Klinar (Olga), Fotini Athanasaki (Filipievna), Alexander Fedorov (Lenski), Jacob Phillips (Eugène Onéguine), Jason Lee*/Florian Stern (Triquet), Oliver Sailer*/Johannes Maria Wimmer (Prince Grémine), Qi Wang*/Julien Horbatuk (Saretzki), Stanislav Stambolov*/Il‑Young Yoon (Capitaine)
Chor & Extrachor des Tiroler Landestheaters Innsbruck, Michel Roberge (chef des chœurs), Tiroler Symphonieorchester Innsbruck, Matthew Toogood (direction musicale)
Eva Maria Höckmayr (mise en scène), Julia Rösler (scénographie, costumes), Diana Merkel (dramaturgie)
 M. Smolka (© Birgit Gufler)
Le Tiroler Landestheater continue son exploration du répertoire lyrique russe. Après Boris Godounov de Moussorgski, L’Amour des trois oranges de Prokofiev et Les Noces de Stravinsky, c’est au tour d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski.
La conception d’Eva Maria Höckmayr est abstraite. Il n’y a aucune représentation de la nature. Les murs sont d’un blanc uniforme et les costumes se limitent au blanc, noir ou rouge. Tatiana constitue le personnage central de l’œuvre, mi‑autiste, mi‑victime rejetée aussi bien par Onéguine que par un chœur omniprésent et inquiétant. Elle ne gagne en assurance qu’au bras du prince Grémine, avant d’abandonner sa robe rouge pour redevenir, lors de la scène finale avec Onéguine, la jeune fille fragile en blanc du début.
Le décor, composé de simples murs blancs mobiles, est utilisé avec imagination. A la manière d’une tragédie grecque, le chœur est omniprésent, comprenant mieux que les personnages ce qui se déroule réellement. La valse représente un moment fort où le décor se transforme, l’espace étant habilement occupé pour créer une atmosphère oppressante. D’autres mises en scène de cette œuvre approfondissent peut‑être davantage la psychologie des personnages, mais celle‑ci puise sa force dans une série de tableaux visuels.
Comme toujours à Innsbruck, les interprètes appartiennent à la troupe résidente. Dans le petit rôle de Larina, Abongile Fumba nous rappelle l’excellence de sa voix. Oliver Sailer paraît visuellement un peu jeune pour incarner Grémine, mais il phrase avec beaucoup de soin ; comme à son habitude, son air constitue un moment de profondeur et de sérénité avant et après tant de tension.
Les quatre protagonistes principaux marchent bien les uns par rapport aux autres. Les ensembles vocaux sont bien équilibrés. Dans le rôle‑titre, Jacob Phillips est solide mais un peu uniforme tandis qu’Alexander Fedorov est lui un Lenski ardent et passionné qui contraste bien avec l’Olga de Bernarda Klinar. Personnage central dans l’œuvre, Marie Smolka a beaucoup de sensibilité.
Préparés par Michel Roberge, le chœur, qui contribue énormément à l’action, est à son meilleur. En particulier, le chœur des paysannes du premier acte a de très belles harmonies et démontre à quel point Tchaïkovski maîtrisait l’écriture chorale. L’Orchestre symphonique tyrolien d’Innsbruck accompagne la scène avec soin. Les contrebasses ont quelques moments un peu difficiles mais les bois one une belle musicalité et même s’il n’y a pas dans la fosse un ensemble symphonique de grande taille, Matthew Toogood parvient à trouver quelques superbes crescendos.
La saison lyrique d’Innsbruck continuera à proposer des programmes ambitieux. Parallèlement à cet Eugène Onéguine, il est possible d’assister à La Clémence de Titus, et mai verra la première d’un spectacle insolite associant Paillasse de Leoncavallo et la rareté qu’est le D’aujourd’hui à demain de Schoenberg.
Antoine Lévy-Leboyer
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