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Vagues musicales Normandie Deauville (Salle Elie de Brignac‑Arqana) 04/25/2025 - Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 9 en do majeur, opus 59 n° 3
César Franck : Quintette avec piano en fa mineur, FWV 7 Quatuor Hermès : Omer Bouchez, Elise Liu (violon), Manuel Viocque‑Judde (alto), Yan Levionnois (violoncelle) – Adam Laloum (piano)
 O. Bouchez, A. Laloum, E. Liu, M. Viocque‑Judde, Y. Levionnois (© Stéphane Guy)
Le sixième et avant-dernier concert du vingt‑neuvième Festival de Pâques de Deauville était consacré à deux œuvres majeures du répertoire de musique de chambre : le Neuvième Quatuor à cordes (1808) de Ludwig van Beethoven (1770‑1827) et le Quintette avec piano (1879) de César Franck (1822‑1890). Dans les deux cas, était à la manœuvre le Quatuor Hermès, créé en 2008 et découvert à Deauville en 2014, un des meilleurs quatuors français d’aujourd’hui.
Ce ne sont en aucun cas des nouveaux venus. L’impression laissée par leur lecture de la première œuvre, dédiée comme les deux quatuors précédents du compositeur, à l’ambassadeur russe à Vienne, le comte Andreï Razoumovsky, est pourtant mitigée. Le premier violon accumule les imprécisions de façon surprenante, quel que soit le mouvement. Le violoncelliste a une tendance à écraser son archet dans le premier mouvement et, si l’effet de balancier dans l’admirable cantilène du deuxième mouvement où il joue un rôle central, est abordé avec simplicité, on aurait aimé plus de régularité dans l’intensité de ses pizzicatos, les graves étant exagérés. Le second violon d’Elise Liu et l’alto de Manuel Viocque‑Judde, irréprochables, s’en sortent beaucoup mieux et sauvent l’interprétation, plutôt prosaïque, des Hermès de ce chef‑d’œuvre, il est vrai incroyablement difficile. Dans le troisième mouvement, on passe avec fluidité d’un instrument à l’autre et tous surmontent les difficultés dans le dernier où ils ne lâchent rien.
Le Quatuor Hermès se montre bien plus à son aise dans le Quintette de Franck. Adam Laloum, devenu, depuis sa découverte à Deauville en 2009, un fidèle de festival malgré sa carrière internationale, impressionne d’emblée, dès le premier mouvement. Recroquevillé sur son clavier, jamais pesant, il fait déferler de magnifiques vagues sonores et offre au public une palette de couleurs et de nuances rare et les cordes, retrouvant à la faveur de l’unisson une belle cohérence, lui résistent avec la manière. Après un deuxième mouvement, « avec sentiment » mais sans excès de sentimentalité sous leurs doigts, les artistes font montre d’une maîtrise instrumentale magnifiant l’Allegro non troppo ma con fuoco final, la passion n’excluant pas la rigueur. Le directeur artistique ayant rappelé au début du concert que les œuvres de la soirée étaient composées de plusieurs mouvements et qu’il ne convenait pas d’applaudir entre ceux‑ci (comme lors du week‑end précédent), le public se demande alors si c’est bien la fin, ravale curieusement ses applaudissements avant de comprendre que l’exécution de l’œuvre est bel et bien terminée et qu’il est alors autorisé à féliciter les artistes. Dommage pour eux car ils méritaient pour le coup des salves plus franches.
A la sortie, une personne faisait remarquer à une autre qu’il lui semblait avoir déjà entendu cette œuvre, cyclique, déjà à Deauville. Effectivement, les habitués du festival l’auront déjà entendue au moins six fois (2009, 2012, 2016, avec le regretté Nicolas Angelich et déjà Yan Levionnois, 2018, 2022, avec les Hanson et déjà Adam Laloum, et 2023). Serait‑ce un festival cyclique, franckiste ? On ne s’en plaindra pas tant il s’agit d’une œuvre magistrale mais sa programmation régulière même sous des doigts différents va finir par vraiment s’entendre.
Le concert, enregistré par France Musique, sera diffusé sur cette antenne le 22 mai prochain.
Stéphane Guy
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