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Un spectacle somptuaire Liège Opéra royal de Wallonie 09/13/2024 - et 15*, 17, 19, 21, 24 septembre 2024 Giuseppe Verdi : La traviata Irina Lungu (Violetta Valéry), Dmitry Korchak (Alfredo Germont), Simone Piazzola (Giorgio Germont), Aurore Daubrun (Flora Bervoix), Marion Bauwens (Annina), Francesco Pittari (Gastone), Pierre Doyen (Il Barone Douphol), Luca Dall’Amico (Il Dottor Grenvil), Samuel Namotte (Il Marchese d’Obigny), Jonathan Vork (Giuseppe), Bernard Aty Monga Ngoy (Un domestico di Flora), Marc Tissons (Un commissionario)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Giampaolo Bisanti (direction)
Thaddeus Strassberger (mise en scène, décors, lumières), Giuseppe Palella (costumes), Antonio Barone (chorégraphie)
(© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie)
La saison de l’Opéra royal de Wallonie débute avec un grand classique du répertoire, La Traviata (1853). La maison ne semble pas avoir regardé à la dépense. Selon la conception de Thaddeus Strassberger, Violetta devient une meneuse de revue convoitée, l’action se passant dans le milieu du music‑hall. Le metteur en scène a ainsi imaginé un grandiose décor : un théâtre à l’italienne, lieu de représentation de comédies musicales fastueuses et hautes en couleurs, lequel contient, dans le deuxième acte, l’intérieur d’une maison familiale, typique de l’Amérique du nord du milieu du siècle passé, scène vidée au fur et à mesure par des déménageurs, suite à l’endettement de la vedette.
Scintillante, cette scénographie excessive et esthétiquement discutable, voire contestable, brouille même quelque peu les repères spatio‑temporels : il semble d’abord que l’action se déroule en France, dans le premier quart du siècle, ensuite qu’elle se poursuit aux Etats‑Unis, dans les années 1950. A la lecture des notes et au vu du spectacle, les intentions du metteur en scène, qui cite comme références Pier Paolo Pasolini, Busby Berkeley et Douglas Sirk, paraissent trop surchargées. Et ce spectacle qui en jette plein la vue peine à convaincre, même à la fin, lorsque Violetta expire sur un lit, dans un entrepôt encombré d’accessoires divers et variés : n’aurait‑il pas fallu opter pour une approche plus simple et directe ?
La représentation, interrompue par deux longs entractes, alors que l’opéra en tant que tel ne dure que deux heures, laisse une fâcheuse impression d’excès, et même de vanité, malgré le travail exceptionnel des ateliers qui se sont une fois de plus surpassés, pour les décors, mais aussi pour les costumes. La mise en scène du défunt directeur général et artistique laissait le souvenir d’une bien plus grande sobriété. Cette production suscite même quelques interrogations, à l’heure des difficultés financières auxquelles bon nombre de grandes maisons affirment devoir faire face. Quant à la direction d’acteur, elle s’attache traditionnellement, mais efficacement, à traduire avec clarté la psychologie des personnages et l’enjeu des situations. Le trio constitué par Violetta, Alfredo et Giorgio paraît crédible et fonctionne bien.
Le volet musical convainc davantage. Le rôle-titre a été confié à une valeur sûre : Irina Lungu incarne Violetta avec solidité et assurance. L’interprétation dégage par moments un sentiment de dureté, voire de froideur, imputable du moins en partie à la nature de sa voix, bien que l’émotion transparaisse dans le troisième acte. Très juste dans son personnage, Dmitry Korchak délivre en Alfredo une prestation fine et sensible, racée, même, d’une maîtrise et d’une beauté vocale quasiment constantes et élevées. Admirable de prestance et de vigueur, Simone Piazzolla affiche d’incontestables qualités d’émission, de phrasé et de projection, ce qui rend son Giorgio mémorable malgré une expressivité un peu trop convenue. Le baryton reçoit lors des saluts de vives acclamations, à juste titre.
Même si personne ne se déplace spécialement pour eux dans un opéra comme celui‑ci, les comprimari ont été bien distribués, ce qui contribue à la solidité et à la cohérence du plateau, en particulier Annina et le docteur Grenvil, impeccablement tenus par Marion Bauwens et Luca Dall’Amico, tandis que les choristes assurent fort bien leur partie, comme d’habitude. La direction de Giampaolo Bisanti, enfin, constitue un autre motif de satisfaction. Elle apporte à la musique de Verdi suffisamment d’élégance et de vigueur, avec ce qu’il faut de netteté, de tenue et de concentration, sans totalement atteindre l’idéal, en termes de finesse et de transparence. Grâce à la discipline de l’orchestre et à l’excellente performance des cordes et des bois, la sonorité demeure le plus souvent belle et dense.
Le site de l’Opéra royal de Wallonie
Sébastien Foucart
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