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Musique française à Montpellier Montpellier Corum - Salle Pasteur 06/08/2002 - Henri Tomasi : Sinfonietta provençale Suzanne Giraud : Crier vers l’horizon (Concerto pour basson) Jean-Jacques di Tucci : L’Oeil du silence Claude Debussy/Yoon Kuk Lee : Quatuor (création française) Magali Cazal (basson), Orchestre national de Montpellier (Philharmonie de chambre), Friedemann Layer (direction) Programme prudemment placé sous la protection du vague intitulé « XXème siècle ». Pourquoi pas - encore que le Quatuor de Debussy date de 1893 - mais on aurait aussi bien pu mettre en exergue le fait que ce concert permettait d’apprécier la grande diversité de la musique française.
En lieu et place de Feuillages de Philippe Schoeller, initialement prévu, c’est la Sinfonietta provençale (1958) de Henri Tomasi, composée pour le centenaire de Mireille de Mistral, qui ouvre la première partie. La couleur locale y est franchement affirmée, et le piccolo et le tambourin s’y taillent la part du lion, un mouvement entier, intitulé Cadence, leur étant réservé. L’orchestre comprend par ailleurs, outre les cordes, un hautbois, un cor, un clavecin et un célesta. Les trois autres mouvements évoquent les demi-teintes ravéliennes, avec toutefois un Tambourin final plein d’énergie, qui ne se contente pas de répéter celui de L’Arlésienne de Bizet…
Composé en 1991 et créé en 1993, Crier vers l’horizon de Suzanne Giraud associe au basson soliste un ensemble réduit (deux flûtes, deux clarinettes, timbales et cordes). Le discours musical illustre parfaitement le titre de ce bref concerto, dans lequel la plainte du basson, souvent solitaire, rencontre parfois un écho ou une opposition au sein de l’orchestre. Cependant, plus qu’une confrontation entre l’individu et la collectivité, le caractère éminemment expressif de la partition suggère de façon à la fois simple et directe la sublimation d’une forte angoisse personnelle, l’orchestre commentant et éclairant le propos du soliste, au lieu d’intervenir comme un personnage proprement dit. La prestation soliste de Magali Cazal est en tous points admirable.
L’Oeil du silence (1994-1995) de Jean-Jacques di Tucci, d’après le tableau éponyme de Max Ernst, fait appel à une formation riche en timbres (deux flûtes, hautbois, cor anglais, deux clarinettes, clarinette basse, basson, cor, trompette, trombone, harpe, piano, célesta, percussion, deux violons, alto, violoncelle et contrebasse). Cette musique volontiers volubile contraste par son ambition plus immédiatement hédoniste et ludique, pour une œuvre plus détachée, volontairement lisse. A la différence de Giraud dans son Concerto, le compositeur ne parle pas ici à la première personne du singulier.
Etrange conclusion pour ce concert que la création française de l’orchestration réalisée par Yoon Kuk Lee du Quatuor de Debussy. On pourra certainement s’interroger sur le point de savoir si le quatuor à cordes appelle nécessairement les timbres de l’orchestre, particulièrement s’agissant de celui de Debussy. Toujours est-il que le risque était grand, en choisissant d’aller au-delà du simple arrangement pour orchestre à cordes, dont on connaît moult exemples : Mahler pour les Onzième et Quatorzième de Beethoven, Barshaï pour les Huitième et Dixième de Chostakovitch, Sculthorpe lui-même pour ses propres Neuvième, Dixième et Onzième. La formation rassemble les bois et cors par deux (avec une seule flûte), une harpe et les cordes. Le truisme attendu se vérifie ici sans peine, malgré les efforts louable de Layer et de ses musiciens : le passage à l’orchestre, particulièrement les bois, épaissit une œuvre dont l’une des principales caractéristiques est la netteté du trait, d’autant que le travail sur l’orchestre n’évoque que très fugitivement celui que Debussy effectuait à la même époque. Bref, on ne perçoit pas très clairement la finalité d’une telle entreprise.
Simon Corley
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