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Pionniers d’hier et d’aujourd’hui

München
Isarphilharmonie
09/11/2024 -  et 12 septembre 2024 (Luzern)
Unsuk Chin: subito con forza
Henri Dutilleux: L’Arbre des songes
Michael Seltenreich: The Prisoner’s Dilemma
Paul Ben-Haim: Symphonie n° 1

Renaud Capuçon (violon)
Münchner Philharmoniker, Lahav Shani (Direction)


M. Seltenreich, L. Shani (© Co Merz)


Dans l’Est de l’Allemagne, l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde démarre une nouvelle saison avec la venue de Daniele Gatti (voir ici) en tant que directeur musical, prenant la suite de Christian Thielemann. A Munich, c’est Lahav Shani qui arrive à la tête de l’Orchestre philharmonique de Munich, remplaçant Valery Gergiev, remercié à la suite de la guerre en Ukraine.


Le chef israélien est actuellement à la tête de l’Orchestre philharmonique d’Israël ainsi que de celui de Rotterdam et quittera ce dernier ensemble à la fin de la saison 2025‑2026. Le public munichois a pu découvrir ses talents à plusieurs reprises et en particulier lorsqu’il était venu diriger en août 2022 un concert de bienfaisance avec des membres des trois formations symphoniques munichoises. La majorité des musiciens présents étaient issus du Philharmonique et quelques mois après était annoncée sa nomination. Les Munichois, musiciens et public ; ont dû patienter mais cette première saison est enfin là.


Le programme ambitieux de cette soirée consiste en quatre œuvres qui sortent des sentiers battus et que l’orchestre doit probablement découvrir pour la première fois.


subito con forza d’Unsuk Chin a été écrit pour le deux cent cinquantième anniversaire de la naissance de Beethoven. La compositrice coréenne mélange avec un certain plaisir des citations de Coriolan et Fidelio et les rythmes de la Cinquième Symphonie, ce qui n’est pas sans évoquer certaines pages de Bernd Alois Zimmerman ou la manière dont Kurtág démarre Stèle. Certains tutti sont parfois un peu denses mais c’est en fin de compte une pochade pleine d’énergie jouée avec une certaine malice par les musiciens munichois.


L’Arbre des songes de Dutilleux nous rappelle la difficulté que rencontrent certains orchestres allemands à trouver les couleurs et les textures que demande la musique française. Le violon de Renaud Capuçon est remarquable d’élégance de finesse et de musicalité. Les musiciens sont également très attentifs à la conduite de la ligne. Mais à plusieurs reprises dans le brillant deuxième mouvement, les interventions des bois sont un peu trop marquées et couvrent trop le soliste, un passage qui aurait probablement mieux convenu à certains orchestres français qui ont naturellement des couleurs différentes. Très applaudi, Renaud Capuçon ne donne en bis ni une œuvre de Bach, d’Ysaÿe ou le Gluck qu’il affectionne mais, avec son élégance coutumière, l’étude Daphné pour violon seul de Richard Strauss.


La seconde partie est consacrée à deux compositeurs israéliens. Commande de l’Orchestre philharmonique d’Israël, du Festival de Lucerne et du Philharmonique de Munich, Le Dilemme du prisonnier du jeune compositeur Michael Seltenreich est une œuvre écrite après les attentats terribles du 7 octobre. Le premier mouvement démarre avec des rythmes assez marqués mais rapidement s’installe un sentiment d’inquiétude et le mouvement se finit sur des accords dissonants à l’issue d’un long crescendo. Le deuxième mouvement est marqué par les interventions des cuivres, dont le glissando aux trombones évoque les sirènes que les Israéliens ont appris à connaître lors des attaques répétées. Le troisième est plus calme mais il se dégage un sentiment d’incertitude et d’attente, la situation n’est pas résolue. Dans cette œuvre, l’orchestration est de grande qualité et avec des passages assez originaux. L’exécution est réalisée avec beaucoup de soin par des musiciens particulièrement inspirés. Et comment ne pas penser à la situation actuelle...


Paul Ben-Haim a émigré en 1933 de Munich en Israël. Né Paul Frankenburger, c’est un compositeur majeur qui a formé de nombreux musiciens au conservatoire de Tel Aviv. Comme pour Le Dilemme du prisonnier, il est difficile de ne pas trouver des parallèles avec cette Première Symphonie, achevée en 1940 après son arrivée en Israël, et les événements historiques du moment. Les passages lyriques du premier mouvement (Allegro energico) évoluent lentement vers une marche militaire volontariste. Le deuxième (Molto calmo e cantabile) est plus méditatif tandis que le troisième (Presto con fuoco), après quelques passages un peu troubles, est brillant et plein de résolution. A nouveau, Lahav Shani comprend intimement le sens de cette musique. Ce n’est pas un hasard si c’est la première œuvre qu’il ait enregistrée avec le Philharmonique d’Israël et s’il la programme dans la ville même dont est issu Ben‑Haim. Comme à chaque fois qu’il dirige une œuvre sans partition, il y a beaucoup de caractérisation dans sa lecture.


Les musiciens munichois retrouvent un style et des couleurs orchestrales qui leur sont plus familiers. L’orchestre est puissant et les tutti leur permettent de déployer de belles couleurs. Dans le mouvement lent, les solos d’Andrey Godik au hautbois et de Herman van Kogelenberg à la flûte ont beaucoup de musicalité. On sent les musiciens très inspirés par cette symphonie, qui est une grande découverte, et on espère avoir la possibilité de pouvoir dans le futur découvrir d’autres pièces de ce compositeur majeur.


Cette nouvelle saison de l’orchestre permettra de retrouver de nombreux musiciens. L’orchestre jouera un vaste répertoire allant de Bach à John Adams, ce dernier venant lui‑même diriger son Harmonielehre. Les artistes qui connaissent cet orchestre seront de retour. Ainsi, Tugan Sokhiev dirigera Bruckner mais aussi un concert avec Alexandre Kantorow, Barbara Hannigan dirigera un patchwork de musique américaine et Santtu-Matias Rouvali la Deuxième Symphonie d’Ives. Et bien évidemment, Lahav Shani sera bien évidemment à la tête pour plusieurs programmes et en particulier en mai, donnera la Sixième Symphonie de Mahler avec des membres des Philharmoniques d’Israël et de Munich.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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