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Voix royale

Geneva
Grand Théâtre
05/31/2024 -  et 2, 4*, 6, 23, 30 juin 2024
Gaetano Donizetti : Roberto Devereux
Edgardo Rocha*/Mert Süngü (Roberto Devereux), Elsa Dreisig*/Ekaterina Bakanova (Elisabetta), Stéphanie d’Oustrac*/Aya Wakizono (Sara), Nicola Alaimo (Lord Duc de Nottingham), Luca Bernard (Lord Cecil), William Meinert (Sir Gualtiero Raleigh), Ena Pongrac (Un page), Sebastià Peris (Un membre de la famille Nottingham)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Mark Biggins (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Stefano Montanari (direction musicale)
Mariame Clément (mise en scène), Julia Hansen (décors, costumes), Ulrik Gad (lumières), Clara Pons (dramaturgie et vidéo)


(© Magali Dougados)



Son Anne Boleyn (dans Anna Bolena) en octobre 2021 et son Elizabeth Ire jeune (dans Maria Stuarda) en décembre 2022 n’avaient guère convaincu, tant ses incarnations manquaient de présence scénique et d’envergure vocale. Mais aujourd’hui, dans Roberto Devereux, Elsa Dreisig – puisque c’est d’elle dont il s’agit – a complètement renversé la situation, offrant cette fois une prestation absolument bluffante. En deux ans, la voix de la soprano franco‑danoise s’est considérablement élargie, les vocalises se sont faites plus précises et acérées, les accents plus véhéments, les couleurs et les nuances plus riches, au point que la chanteuse paraît totalement à son aise sur le plan vocal, en parfaite adéquation avec la technique du belcanto. On pense aussi aux sauts d’octave meurtriers, qui sont maîtrisés avec une facilité déconcertante. Sur le plan scénique, sa prestation totalement aboutie d’une Elizabeth Ire vieillissante, son engagement entier dans le personnage resteront longtemps dans les mémoires, l’interprète incarnant à merveille une souveraine flétrie, qui a de la peine à marcher, à la silhouette voûtée et au visage blême, reine jalouse et frustrée, solitaire aussi malgré les courtisans qui ne cessent de l’entourer. Il faut la voir et l’entendre hurler sa colère ou réprimer sa tristesse, une incarnation majeure. Dès sa prise de rôle, Elsa Dreisig se montre à la hauteur – ou presque – des plus grandes titulaires, chapeau ! Sa performance donne dans tous les cas envie de reconsidérer son Anne Boleyn et son Elizabeth. Le Grand Théâtre de Genève profite d’ailleurs de cette nouvelle production de Roberto Devereux pour présenter les trois opéras de Donizetti sous le titre de « Trilogie Tudors ». Deux séries de représentations sont programmées pour la fin du mois, quand bien même les trois ouvrages n’ont jamais été conçus par le compositeur comme faisant partie d’un cycle.


Pour cette nouvelle production de Roberto Devereux, la dernière de la saison 2023‑2024, le Grand Théâtre de Genève a mis les petits plats dans les grands, en réunissant autour d’Elsa Dreisig une distribution de haut vol. Dans le rôle de Sara, duchesse de Nottingham, à la fois confidente et rivale de la souveraine, Stéphanie d’Oustrac séduit par sa voix grave et corsée ainsi que son timbre sensuel, malgré une diction parfois prise en défaut. Favori de la reine, à laquelle il préférera finalement Sara, Roberto Devereux est incarné par Edgardo Rocha, parfait styliste rompu au belcanto, à la ligne vocale élégante et aux aigus rayonnants même si quelques fois un peu serrés. On mentionnera également le Duc de Nottingham particulièrement expressif de Nicola Alaimo, au legato incomparable et à la projection impressionnante. A la tête d’un Orchestre de la Suisse Romande des grands soirs, Stefano Montanari offre une lecture à la fois précise et dynamique de la partition de Donizetti, une lecture qui soutient parfaitement la tension dramatique et qui fait de l’orchestre non pas un simple accompagnateur des voix, mais un personnage à parti entière.


La mise en scène de Mariame Clément, plutôt sobre et statique au demeurant, ne propose rien de fondamentalement nouveau par rapport à Anna Bolena et Maria Stuarda. L’intrigue se déroule à l’intérieur des mêmes immenses parois de bois qui s’ouvrent sur le dehors, avec cette fois des troncs d’arbres dénudés et des feuilles mortes suggérant l’hiver. Et d’ailleurs, la souveraine affiche sa solitude en se promenant sans escorte, sous la neige, au milieu d’une forêt de troncs secs. Le dispositif scénique est rehaussé par les très beaux éclairages d’Ulrik Gad. Les épisodes précédents sont rappelés par l’apparition des spectres d’Elizabeth enfant et adolescente et de Mary Stuart. On l’aura compris, cette nouvelle production de Roberto Devereux est avant tout un véritable feu d’artifice vocal.



Claudio Poloni

 

 

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