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Un retour décevant

Paris
Opéra Bastille
05/10/2024 -  et 14, 17*, 21, 23, 26, 29 mai, 1er, 5, 8, 11 juin 2024
Jules Massenet : Don Quichotte
Gaëlle Arquez (La Belle Dulcinée), Christian Van Horn*/Gábor Bretz (Don Quichotte), Etienne Dupuis (Sancho), Emy Gazeilles (Pedro), Marine Chagnon (Garcias), Samy Camps (Rodriguez), Nicholas Jones (Juan), Youngwoo Kim, Hyunsik Zee (Serviteurs)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décors), Agostino Cavalca (costumes), Alessandro Carletti (lumières), Roland Horvath/rocafilm (vidéo), Thomas Wilhelm (chorégraphie)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Ching‑Lien Wu (cheffe des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Patrick Fournillier (direction musicale)


G. Arquez (© Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)


Don Quichotte n’est pas, contrairement à ce qu’affirme le site de l’Opéra de Paris, le dernier opéra de Massenet, qui écrira encore Roma, puis Panurge, Amadis et Cléopâtre, trois ouvrages posthumes. Certes il n’a plus que deux ans à vivre, miné par la maladie. Et le vieux chevalier à la mélancolie rêveuse, épris d’idéal, figure de bonté presque christique, c’est peut‑être un peu lui, comme l’était, quelques années avant, Jean, le jongleur de Notre‑Dame. Mais l’inspiration du compositeur de Manon ne faiblit pas, elle se renouvelle dans cette « comédie héroïque », où des espagnolades rutilantes côtoient des pages intimistes au raffinement quasi debussyste.


La figure christique, les espagnolades disparaissent totalement de la production de Damiano Michieletto, qui, décidément, enchaîne les mises en scène. Don Quichotte est un professeur écrivain parvenu au terme de sa vie, en quête d’inspiration entre comprimés et verres de whisky, revivant les grands moments de son passé – les personnages sortent des murs. Nous voici donc plongés dans les années 1960, celles des collèges anglais, du rock et du twist. Rien d’original : voilà des décennies que le flash‑back envahit les scènes lyriques, où l’on aime aussi beaucoup les sixties. Comme toujours chez Michieletto, tout est impeccablement rodé, mais il reste à la surface des personnages qu’il a lui‑même créés, dans ce qu’ils ont de drôle, comme Sancho, ou de tragique, comme Don Quichotte. Rien, du coup, n’émeut, sinon la musique. On reste assez insensible à ce décor unique de salon design qui s’ouvre pour l’apparition des ombres du passé, à ce ballet de spectres noirs très flamenco au moment de la scène des moulins...


On n’est guère plus sensible aux chanteurs. Il faut supposer qu’un Nicolas Courjal ou qu’un Jean Teitgen n’étaient pas libres pour remplacer Ildar Abrazdakov. Christian Van Horn a une belle voix, même si le grave paraît modeste, et une ligne artistement galbée, mais l’articulation, bien qu’en progrès, reste encore trop exotique, et les secrets de la déclamation à la française lui échappent. Défaut rédhibitoire dans un rôle exigeant, au fond, un mélodiste. L’impeccable Etienne Dupuis se montre ici beaucoup plus en situation, sans parvenir à faire de Sancho une vraie figure, faute de truculence, notamment dans la diatribe de la fin du quatrième acte. Seule Gaëlle Arquez, malgré une entrée un peu instable, s’impose en Dulcinée à la fois sensuelle et désenchantée, dans un rôle difficile par ses écarts de registres. Tous trois sont bien entourés et bien soutenus par la direction de Patrick Fournillier, créateur avec Jean‑Louis Pichon de la Biennale Massenet de Saint‑Etienne, qui ressuscita tant d’œuvres délaissées du compositeur. Le chef français restitue l’éclat et les ombres de la partition, généreux ou poétique selon les moments, narratif et coloré. Le chœur s’illustre aussi. Il n’empêche : après plus de vingt ans d’absence, Don Quichotte revient par la petite porte.



Didier van Moere

 

 

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