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Grand spectacle

Lyon
Auditorium Maurice Ravel
05/15/2024 -  et 16* mai 2024
Carl Maria von Weber : Oberon, or The Elf King’s Oath, J. 306 : Ouverture
Robert Schumann : Concerto pour piano en la mineur opus 54
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 en si mineur « Pathétique », opus 74

Garrick Ohlsson (piano)
Orchestre national de Lyon, Nikolaj Szeps‑Znaider (direction)


G. Ohlsson (© Dario Acosta)


Ces deux soirées construites selon la traditionnelle formule ouverture-concerto-symphonie en associant trois piliers du répertoire romantique, devaient à l’origine être dirigées par un invité régulier de l’Orchestre national de Lyon (ONL), Sir Andrew Davis, décédé le 20 avril dernier. C’est donc le directeur musical de la maison, Nikolaj Szeps‑Znaider, qui le remplace sans modifier le programme prévu pour ces concerts finalement dédiés à la mémoire du grand chef britannique.


C’est un fait regrettable que le romantisme plein de vitalité de Weber ne soit pas davantage mis à l’honneur et que les programmes de concert ne le réduisent souvent qu’à la portion congrue. Ainsi détache‑t‑on toujours du grand opéra qu’est Obéron sa seule Ouverture pour la servir en guise de « mise en bouche », comme le fait ici la phalange lyonnaise. La pièce débute de manière plutôt poussive (notamment du côté de la petite harmonie), avant de s’animer peu à peu sous la battue énergique et précise de Szeps‑Znaider et surtout grâce à l’engagement communicatif de la violoniste super‑soliste Jennifer Gilbert, remarquable d’un bout à l’autre de la soirée. On retrouve bientôt avec plaisir les couleurs chatoyantes de l’orchestre webérien et l’élan caractéristique du compositeur.


Après ce tour de chauffe, place au Concerto de Schumann, confié au pianiste américain Garrick Ohlsson, artiste trop rare sur les scènes françaises. Les premières mesures font entendre un toucher soyeux et ouaté par un usage abondant de la pédale ; un peu à la manière d’une Clara Haskil en son temps, Ohlsson choisit de traiter l’Allegro affettuoso initial comme la fantaisie pour piano et orchestre qu’était à l’origine ce mouvement : le piano musarde, s’alanguit pour mieux se relancer d’un brusque coup de patte, se fond tantôt dans l’orchestre pour en ressurgir avec éclat dans les épisodes les plus animés. Attentif à ses partenaires, vers lesquels il se tourne en permanence, Garrick Ohlsson se montre relaxé et visuellement économe de ses gestes et de ses effets. On tend pourtant l’oreille à l’écoute de cette partie soliste globalement bien en place, même dans les passages les plus exigeants pour les doigts, mais sophistiquée à l’extrême : menus décalages des deux mains, accords arpégés, basses parfois doublées à l’octave, rien n’est oublié pour tisser cette dentelle sonore, qui s’épanouit dans une très belle cadence, au rythme certes quelque peu ralenti mais bien assuré. L’Intermezzo qui suit l’est moins, avec une certaine crispation du jeu et quelques duretés dommageables dans l’expression digitale, tandis qu’un certain nombre de notes se perdent au long des cavalcades du final (Allegro vivace). La prestation d’ensemble demeure convaincante, tant par la complicité qui unit pianiste et chef (avec de multiples échanges de sourires au fil du morceau), que par le velouté et la séduction que garde le piano jusqu’aux accords conclusifs. Si ce n’est assurément pas là un Concerto de Schumann plein d’ardeur juvénile et infaillible, on ne peut que saluer la technique de Garrick Ohlsson, qui sait exactement proportionner ses intentions d’interprète à ses moyens d’exécutant. Après qu’il a reçu des ovations méritées du public et une chaleureuse accolade de la part du chef, son style pianistique vintage fait ensuite merveille dans la Valse en ut dièse mineur (opus 64 n° 2) de Chopin donnée en bis, presque cabotine à force de raffinement et de versatilité.


En seconde partie, l’autorité et la fougue de Nikolaj Szeps‑Znaider trouvent à s’employer au mieux dans une Symphonie « Pathétique » à grand spectacle. En parfaite affinité avec l’expansivité de Tchaïkovski, le chef danois privilégie l’électricité et l’exacerbation des effets, parfois au détriment de la lisibilité et de l’équilibre. Chauffé à blanc par cette direction impérieuse et extravertie, l’ONL rend justice à la riche substance des mélodies et des timbres des deux premiers mouvements, tandis que l’Allegro molto vivace du troisième mouvement se transforme en véritable démonstration de virtuosité et de puissance. Tout aussi fiévreuses, les lamentations des cordes du début de l’Adagio lamentoso conclusif mènent, avec une vigueur marquée et d’amples périodes, aux pulsations funèbres de la coda (fort belles contrebasses), que le chef d’orchestre, toujours aussi théâtral, fait suivre d’un long silence recueilli, avant de s’abandonner avec plaisir au fracas des applaudissements.



François Anselmini

 

 

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