|
Back
Apothéose de la danse Antwerp
Opera Vlaanderen
03/30/2024 - et 31* mars, 3, 6, 10, 11, 13, 14 (Antwerpen), 24, 26, 28 avril, 2, 4, 5, 7, 8 mai (Gent) 2024
Ombra (création)
Alain Platel (mise en scène), Steven Prengels (concept musical et composition)
Zoë Ashe-Browne, Claudio Cangialosi, Morgana Cappellari, Nelson Earl, Christina Guieb, Towa Iwase, Misako Kato, Morgan Lugo, Austin Meiteen, Ester Pérez, TK Russell, Niharika Senapati, Louis Thuriot, Lateef Williams (danse et création), Mélanie Lomoff, Luis Marrafa (chorégraphes invités)
TK Russell (soliste), Koor Opera Ballet Vlaanderen, Jan Schweiger (chef de chœur), Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, Jan Schweiger/Zachary Zhu* (direction musicale)
Berlinde De Bruyckere (scénographie), Dotje Demuynck (costumes), Felice Ross (lumières), Hildegard De Vuyst, Koen Bollen (dramaturgie)
(© OBV-Koen Broos)
Deux ans après C(H)ŒURS 2022, l’Opéra des Flandres monte une nouvelle production d’Alain Platel, probablement la dernière, le chorégraphe et metteur en scène ayant décidé de ne plus solliciter de nouvelle commande. Ombra, qui tire son nom d’un air d’opéra de Haendel, “Ombra mai fu”, constitue un hommage à Gerard Mortier, mort il y a dix ans. Une dédicace pertinente : ce spectacle correspond, par son approche et par sa conception, au genre de mises en scène que ce directeur d’opéra a favorisé durant ses mandats.
Alain Platel réunit de nouveau des choristes et des danseurs, en l’occurrence ceux de l’Opéra des Flandres, tous portant des tenues estivales aux couleurs vives, pour un spectacle tout aussi captivant et impressionnant, par sa puissance et sa virtuosité, mais moins politique, que le précédent. Ce spectacle témoigne des capacités quasiment infinies de la danse, laquelle, combinée aux expressions corporelle et sonore, respiration, râle, suffocation, autorise de multiples interprétations. Il tire ainsi une grande partie de sa force de l’engagement des danseurs, admirables de vitalité et d’intensité, de leur capacité à créer de superbes effets, à la limite de la performance théâtrale, par moments. Il revient à chacun de comprendre par lui‑même, avec sa propre sensibilité, sa propre grille de lecture, ce qu’exprime cette chorégraphie vivante et sensorielle, selon nous la fragilité, le réconfort, le désir, l’inquiétude.
L’espace, dominé par un arbre dépourvu de feuilles, qui se déracine progressivement pour se coucher, à peine soutenu par des bâtons en bois de fortune, offre un cadre largement propice aux interprétations. Les danseurs y grimpent, s’y accrochent, s’y reposent à la manière de paresseux, le soignent en le recouvrant de tissus, tels des pansements. Cet arbre, qui renvoie à l’arbre à palabres, en Afrique, constitue autant une œuvre d’art à part entière qu’un objet métaphorique.
Le seul chanteur qui intervient en solo se nomme TK Russell, un jeune artiste doté d’une voix légère, mais expressive, et d’une belle présence. Auteur de la partie musicale, Steven Prengels a conçu un assemblage d’extraits d’œuvres de Bach, Haendel, Beethoven (un extrait de la Septième Symphonie, occasion d’un formidable moment de danse, probablement le sommet du spectacle), Barber, et même, nous semble‑t‑il, Chostakovitch, avec des pages de sa propre composition et adoptant différents styles, du passé, du présent et de la musique traditionnelle extra-européenne. Le programme aurait tout de même dû clairement indiquer les sources musicales. Sans constituer un tout cohérent, du fait de la nature composite de toutes ces musiques, cette compilation n’en demeure pas moins pertinente en regard de la chorégraphie. Les choristes délivrent une prestation magnifique de sobriété et de conviction, tandis que l’orchestre, ferme et précis sous la direction de Zachary Zhu, contribue également à la réussite de ce spectacle empli d’humanité et d’émotion.
Sébastien Foucart
|
