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Quand le destin ne tient qu’à un fil... rouge

Geneva
Grand Théâtre
02/21/2024 -  et 23*, 25, 27, 29 février, 2 mars 2024
Wolfgang Amadeus Mozart : Idomeneo, re di Creta, K. 366
Bernard Richter (Idomeneo), Lea Desandre (Idamante), Federica Lombardi (Elettra), Giulia Semenzato (Ilia), Omar Mancini (Arbace), Luca Bernard (Gran Sacerdote di Nettuno), William Meinert (La Voce), Danseuses et danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève et de la Compagnie Eastman
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Mark Biggins (préparation), Cappella Mediterranea, L’Orchestre de Chambre de Genève, Leonardo García Alarcón (direction musicale)
Sidi Larbi Cherkaoui (mise en scène, chorégraphie), Chiharu Shiota (décors), Yuima Nakazato (costumes), Michael Bauer (lumières), Simon Hatab (dramaturgie)


(© Magali Dougados)


Dès les premières notes de l’Ouverture, une dizaine de danseurs esquissent des mouvements rapides sur scène. Pas de doute, cette nouvelle production d’Idoménée de Mozart est l’œuvre d’un chorégraphe. Directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève depuis 2022, Sidi Larbi Cherkaoui signe sa cinquième mise en scène lyrique, mais aborde pour la première fois un ouvrage du maître de Salzbourg. Il règle de superbes chorégraphies, avec des danseuses et des danseurs extrêmement sollicités durant tout le spectacle, qu’il s’agisse de membres du Ballet du Grand Théâtre ou d’Eastman, sa propre compagnie fondée en 2010. Les décors sont signés par la plasticienne japonaise Chiharu Shiota, qui a rempli le plateau de fils et de cordes rouges descendant des cintres ; des cordages qui se nouent et s’enchevêtrent dans tous les sens, qui figurent des filets ou imitent le mouvement des vagues, car la mer est très présente dans ce spectacle (rappelons qu’après la guerre de Troie, Idoménée, roi de Crète, accoste sur les rivages de sa patrie), avec aussi de nombreuses coques de bateaux, soit posées à terre, soit suspendues dans les airs. Les fils et les cordes servent aussi à entraver les personnages dans leurs élans. Selon une légende racontée par Chiharu Shiota dans le programme de salle, chaque enfant japonais naît avec un fil rouge au bout du petit doigt, qui le relie à une personne qui va jouer un rôle déterminant dans sa vie. Les cordes sont également utilisées pour symboliser le monstre marin que doit affronter Idamante, le fils du roi. On l’aura compris, les décors, abstraits, sont en perpétuel mouvement, avec des scènes qui se font et se défont constamment, au gré des humeurs des protagonistes. En outre, le styliste japonais Yuima Nakazato a conçu de superbes costumes, blancs pour les esclaves grecs, bleus pour Idoménée et son fils, recouverts de surcroît de plumes du plus bel effet. Très esthétique, voire esthétisant, le spectacle est d’une beauté à couper le souffle, avec des images fortes et des effets particulièrement spectaculaires. Le bémol, c’est que le chorégraphe a clairement privilégié les mouvements de danse, au détriment de la caractérisation des personnages et des déplacements des chanteurs, lesquels se retrouvent bien souvent immobiles sur le devant de la scène. Sidi Larbi Cherkaoui a aussi pris des libertés avec la fin de l’opéra, qui voit, selon le livret, Idoménée abdiquer en faveur de son fils. Le chorégraphe a préféré s’en tenir à la mythologie : le roi, pris de folie, fait assassiner son fils et la fiancée de ce dernier, Ilia.


Les attentes étaient d’autant plus grandes pour cette nouvelle production d’Idoménée que les mélomanes genevois ont encore en mémoire le superbe Atys d’il y a exactement deux ans, signé lui aussi par un chorégraphe. Si, pour la tragédie de Lully, Angelin Preljocaj avait réussi avec brio à imbriquer le chant et la danse, pour l’opera seria de Mozart, l’impression est plutôt d’assister à un spectacle au cours duquel Sidi Larbi Cherkaoui aurait conçu deux parties bien distinctes, la partie chantée et la partie dansée. La référence à Atys s’impose aussi car Leonardo García Alarcón assurait déjà la partie musicale. Pour Idomenée, dans la fosse surélevée du Grand Théâtre, la Cappella Mediterranea du chef est renforcée par L’Orchestre de Chambre de Genève. Le maestro ne ménage pas son énergie pour insuffler tension et intensité à la soirée, qui ne manque ainsi pas de contrastes.


Idoménée est interprété par le ténor suisse Bernard Richter, arrivé sur la production une semaine avant la première pour remplacer un collègue indisposé. Le chanteur connaît bien le rôle pour l’avoir abordé dès 2006. Si, depuis, la voix s’est assombrie et l’émission paraît aujourd’hui quelque fois un peu forcée, il campe un roi certes autoritaire, mais particulièrement humain et émouvant. En Idamante très engagé scéniquement, Lea Desandre fait aussi forte impression sur le plan vocal avec son chant agile et lumineux, quand bien même la voix manque parfois de volume. Federica Lombardi est une Electre véhémente, aux accents impitoyables, au début en tout cas, avant de finir par s’adoucir lorsqu’elle croit être aimée par Idamante. Sans pourtant jamais démériter, Giulia Semenzato est une Ilia un peu en retrait. Malgré une émission qui mérite encore d’être polie, Omar Mancini est un Arbace convaincant, alors que Luca Bernard a déjà dans la voix toute l’autorité du Grand Prêtre. On l’a dit, le spectacle restera dans les annales surtout pour ses images impressionnantes.



Claudio Poloni

 

 

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