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L’hiver au théâtre

Bruxelles
La Monnaie
02/10/2024 -  
Franz Schubert : Winterreise, D. 911
Xavier Sabata (contre-ténor), Francisco Poyato (piano)
Rafael R. Villalobos (mise en scène)


X. Sabata (© Oscar Romero)


Chaque saison, la Monnaie programme une série de récitals, intitulée Vocalissimo. Celui de ce samedi, qui se tient la veille de la dernière représentation de La Walkyrie, constitue une expérience particulière. Rafael R. Villalobos, qui se chargera, en ce lieu, la saison prochaine, d’une production associant les trois opéras de Monteverdi, met en scène le Voyage d’hiver (1827).


Pas de grand dispositif, toutefois, lequel n’aurait, de tout façon, pas pu être aisément monté en même temps que celui de Romeo Castellucci, mais un espace noir, relativement peu profond, avec, côté jardin, le pianiste, côté cour, deux fauteuils de la Monnaie, de la fumée et quelques accessoires, des fleurs séchées, une bouteille de vin. Voilà le lieu où ère le protagoniste, un théâtre, lieu, mais aussi espace mental, cette scénographie fort simple, mais cohérente, constituant, ainsi, un cadre ouvert aux multiples interprétations. C’est que le metteur en scène n’impose rien de trop explicite, ce qui aurait été davantage le cas avec le recours, par exemple, à la vidéo – absente, dans cette production – ou à de la figuration. Seuls demeurent, en effet, sur le plateau, le chanteur et le pianiste qui resteront éloignés l’un de l’autre pour encore mieux souligner la solitude, l’abandon, de l’anti‑héros schubertien, sans la moindre référence visuelle à l’hiver. Contrairement à Rafael R. Villalobos, qui a rédigé le texte reproduit dans le programme, nous éprouvons quelque difficulté à percevoir dans cette œuvre un lemniscate, une figure mathématique en forme de huit renversé – merci Wikipédia. Il s’agit de la seule élucubration intellectuelle de cette mise en scène, par ailleurs, parfaitement convaincante, autant que tout simplement belle, par sa cohérence et sa puissance, à la fois, expressive et évocatrice.


Mais ce spectacle tire sa plus grande force de la performance habitée de Xavier Sabata, probablement irremplaçable dans ce projet, tellement le contre‑ténor s’identifie intensément au voyageur. Le mérite du chanteur, outre la beauté du timbre, ainsi que la maîtrise du phrasé, du souffle et la ligne, réside dans sa capacité à conférer une dimension théâtrale à cette œuvre, mais toujours dans la justesse, fort d’une présence physique assez impressionnante. Il en résulte une incarnation, certes, intense, dans une certaine mesure touchante, mais, surtout, troublante, en tout cas précise et en aucune manière malmenée, avec, au contraire, un naturel admirable. Et, sur ce point, la tessiture particulière de l’interprète catalan contribue à cette impression, d’autant plus que ce cycle demeure l’apanage, probablement contestable, des ténors et des barytons, quelques femmes l’ayant aussi interprété, dont bien évidemment Brigitte Fassbaender. Ce qui suscite aussi l’admiration, dans cette œuvre qui ne supporte pas la moindre esbroufe, ni le moindre mauvais goût, c’est le refus de cet artiste d’exhiber ouvertement et sans vergogne ses moyens, du reste absolument considérables. Une voix de baryton, même naturellement dotée de graves fort profonds, conserve, dans ce cycle, notre préférence mais Xavier Sabata a su, avec la sienne, rendre tous ces lieder signifiants. Malgré la distance qui le sépare de lui, le contre‑ténor fusionne admirablement avec l’accompagnement expert, hautement inspiré, dense et soutenu, de Francisco Poyato, le pianiste fredonnant même quelques instants une bribe de lied, pendant que le voyageur se tait, dans un effet de mise en scène inattendu, mais splendide, bouleversant, même.


Le prochain récital se tiendra le 10 mars, à 19 heures, cette fois à la Salle Henry Le Bœuf qui comporte plus de places pour accueillir tous ceux qui voudront entendre Matthias Goerne et Evgeny Kissin, dans des œuvres de Schumann, notamment Dichterliebe, et Brahms.


Le site de Xavier Sabata



Sébastien Foucart

 

 

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