About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Et la lumière fut

Paris
Maison de la radio et de la musique
12/09/2023 -  et 10 décembre 2023
Wolfgang Amadeus Mozart : Messe en ut mineur, K. 417a [427]
Marie Lys, Deepa Johnny (sopranos), Mark Milhofer (ténor), Edward Grint (basse)
Chœur de Radio France, Valérie Fayet (cheffe de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Leonardo García Alarcón (direction)


L. García Alarcón (© Franck Juery)


On sait que le chef d’origine argentine Leonardo García Alarcón, de culture essentiellement baroque, aime partager son expérience avec des orchestres modernes. Après la Messe en si de Bach en 2019, nouvel exemple ce soir devant un auditorium bien rempli pour une Messe en ut de Mozart donnée deux soirs de suite, une fois encore avec la complicité du Philharmonique et du Chœur de Radio France.


On connaît l’histoire de cette œuvre écrite par Mozart pour sa future femme Constance Weber, alors souffrante, mais laissée inachevée malgré sa guérison. Œuvre plus italienne que salzbourgeoise malgré sa création dans la ville de l’archevêque Colloredo, elle puise aussi ses sources chez Bach et Haendel que Mozart découvrait alors. Cette messe n’a curieusement jamais atteint la célébrité du Requiem, lui aussi inachevé, alors qu’elle est sans aucun doute un chef‑d’œuvre.


Leonardo Garciá Alarcón surprend d’emblée par une certaine théâtralisation : entrées et sorties des solistes en fonction de leurs interventions, levées de certains instrumentistes au moment de jouer, jeux de lumières avec un plateau parfois dans l’obscurité, notamment au début de l’œuvre. Le chœur comprend une soixantaine de chanteurs sur le plateau (et non dans les gradins), les femmes au premier rang en arc de cercle juste derrière l’orchestre. Mais ces artifices servent la construction musicale. L’effectif orchestral est modeste : dix premiers violons, trois contrebasses, un continuo et un orgue, des timbales et cuivres baroques (cors, trombones, trompettes) auxquels se joignent des vents modernes.


Le quatuor de solistes est nettement dominé par les femmes : la soprano Marie Lys, au timbre lumineux, chante par cœur sa première intervention et sa seconde, le sublime « Et incarnatus est », interprété avec tout la grâce requise ; la seconde soprano, Deepa Johnny, aux graves voluptueux, séduit elle aussi par sa présence. Le ténor Mark Milhofer et la basse Edward Grint, aux rôles plus marginaux, sont de fait un peu plus effacés.


Mais le miracle vient, outre de la sublime musique de Mozart, de la direction lumineuse du chef argentin. Dès les premières mesures, il emmène ses musiciens et le public avec lui pour les laisser soixante minutes plus tard heureux et charmés par une lecture puissante et parfaitement construite. Les femmes du chœur impressionnent sans doute plus que les hommes, dont quelques entrées sonnent avec une certaine dureté. Mais l’équilibre global est souverain, les tempi sont justes, les lignes musicales soutenues avec fermeté mais sans rugosité et les nuances sont conduites avec justesse et un bel équilibre des différentes parties du chœur. Le moment le plus fascinant de cette œuvre est sans doute le « Qui tollis », extraordinaire double chœur avec ostinato en chromatismes descendants, où l’expérience de la musique baroque que possède Alarcón lui permet de transcender en un moment d’une rare puissance où textes, nuances, rythmes, couleurs et lumière ne font plus qu’un au seul service de l’émotion.


En début de concert, Leonardo García Alarcón avait rendu un vibrant hommage au regretté Maurice Bourgue, le hautboïste français décédé le 6 octobre dernier, qu’il avait rencontré à Genève au début de sa carrière. L’importance, l’intégrité et les qualités humaines de ce fondateur d’école, sont évoqués avec un vrai talent oratoire par un Garciá Alarcón que l’on écouterait la soirée entière tellement l’homme est passionnant.


On l’aura compris un magnifique moment de musique au plus haut niveau grâce à un chef décidément hors du commun offrant ce soir un Mozart réellement divin. On espère un Requiem la saison prochaine par cette même équipe.


Le concert en intégralité sur YouTube :






Gilles Lesur

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com