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Ferveur patriotique

Warsaw
Philharmonie
11/10/2023 -  
Ignacy Jan Paderewski : Fantaisie Polonaise, opus 19
Frédéric Chopin : Andante spianato et Grande polonaise brillante, opus 22
Krzysztof Penderecki : Symphonie n° 2 « Christmas Symphony »

Yulianna Avdeeva (piano)
Orkiestra Filharmonii Narodowej, Andrey Boreyko (direction)


A. Boreyko (© Michal Zagórny)


Ferveur patriotique palpable en cette veille de 11 novembre à Varsovie : la date marque non seulement l’armistice de 1918 mais aussi (et surtout) le recouvrement par la Pologne de son indépendance après le partage de 1795 où son territoire fut divisé entre la Prusse, la Russie et l’Autriche.


La Deuxième Symphonie, sous‑titrée « Noël » (1979‑1980), de Krzysztof Penderecki (1933‑2020) renvoie à un autre événement terrible de l’histoire du pays : l’instauration, peu après la création new‑yorkaise sous la baguette de Zubin Mehta, de la loi martiale à la suite du coup d’état du général Jaruzelski le 13 décembre 1981. La mélancolie et les accès de fièvre qui traversent la partition, dont la phrase liminaire cite le chant de Noël Nuit silencieuse, acquièrent rétrospectivement une dimension tragique qu’Andrey Boreyko n’a pas cherché à atténuer. Rappelons que le compositeur prenait à cette occasion un virage esthétique à 180 degrés : le « sonorisme » caractéristique de son entrée fracassante sur la scène musicale à l’aube des années 1960 laisse place à un postromantisme lourd et épais, où les cataclysmes à la Chostakovitch voisinent avec de timides élévations à la Bruckner. Penderecki n’a pas lésiné sur l’orchestration, avec un pupitre de cuivres particulièrement fourni. C’est cependant la belle cohésion des cordes qu’on retiendra, dont les rares envolées lyriques – soutenues par les percussions résonantes en carillon – apportent une bouffée d’optimisme salvateur dans la noirceur régnante. Il va sans dire qu’on écouterait cette symphonie (un seul mouvement d’une quarantaine de minutes) avec d’autres oreilles si l’on était Polonais ; et si elle n’avait pas à subir la triple ombre portée de Chostakovitch, Bruckner... et Penderecki lui‑même – celui d’avant 1980 s’entend.


D’Ignace Paderewski (1860‑1941), la première partie affichait la Fantaisie Polonaise, fortement marquée par les modèles chopiniens (Grande fantaisie sur des airs polonais) et lisztiens (Fantaisie hongroise) – la partie soliste en reconduit le pianisme fantasque et conquérant. Yulianna Avdeeva fait valoir un jeu solidement charpenté, bien appareillé à la robustesse de certains thèmes. Une manière de cymbalum envahit la dernière partie aux allures de friska. La pianiste a beau donner le sentiment d’attraper au vol telle mélodie entonnée par la clarinette, on se persuade qu’un vent de folie aurait gagné à souffler sur certains passages, même si le chef tire habilement profit de la disposition antiphonique des violons I et II (violoncelles au centre) pour valoriser la division des pupitres.


Le nocturne effusif de l’Andante spianato, assez nébuleux, laisse place à une Grande polonaise dont le brillant a été davantage accentué par une Martha Argerich ou un Arthur Rubinstein. Très en fond de touche, le doigté de Yulianna Avdeeva s’accompagne d’un piqué‑lié paresseux, d’une forme d’inhibition face au diktat de la barre de mesure. Mais la lauréate du Concours Chopin 2010, quand elle allège les basses et fait ressortir le chant, impose ses atouts. On lui sait gré de nous avoir épargné un bis conventionnel en jetant son dévolu sur la rare Cracovienne fantastique (opus 14 n° 6) de Paderewski. Les tierces chantantes, les traits à la virtuosité débridée montrent la pianiste russe à son meilleur et comme libérée de la gaine orchestrale.



Jérémie Bigorie

 

 

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