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Quand la vie tangue

Geneva
Grand Théâtre
10/27/2023 -  et 29, 31* octobre, 1er, 3, 4, 5 novembre 2023
Astor Piazzolla : María de Buenos Aires
Raquel Camarinha (María), Inés Cuello (La Voz de un Payador), Melissa Vettore, Beatriz Sayad (El Duende), Danseurs et acrobates de la Compagnia Finzi Pasca
Cercle Bach de Genève, Grand chœur de la Haute Ecole de musique de Genève, Natacha Casagrande (préparation), Orchestre de la Haute Ecole de musique de Genève, Facundo Agudin (direction musicale)
Daniele Finzi Pasca (mise en scène, lumières), Hugo Gargiulo (décors), Matteo Verlicchi (associé aux décors), Giovanna Buzzi (costumes), María Bonzanigo (chorégraphie)


(© Carole Parodi)


Le Grand Théâtre de Genève a eu l’excellente idée de programmer María de Buenos Aires, faisant ainsi découvrir aux mélomanes l’unique opéra d’Astor Piazzolla, un ouvrage très rarement représenté. Le spectacle conçu par le metteur en scène suisse Daniele Finzi Pasca est une merveille de délicatesse, de poésie et d’onirisme. Dans une salle remplie jusqu’au dernier fauteuil – ce qui n’était plus arrivé à Genève depuis très longtemps – le public a fait un triomphe à tous les artistes de la production. María de Buenos Aires est un « opéra‑tango » (operíta‑tango en espagnol) composé de dix‑sept scènes durant au total un peu plus d’une heure et demie ; il a été créé en 1968 à Buenos Aires. La première a été un four complet. On attribue cet échec principalement à l’hermétisme du livret, écrit par le poète et chansonnier uruguayen Horacio Ferrer et dont le côté surréaliste a décontenancé plus d’un spectateur. A la création, Piazzolla était lui‑même au bandonéon. Pendant de nombreuses années, l’œuvre n’a été quasiment jamais programmée et il faudra attendre la mort du compositeur, en 1992, pour voir enfin le nombre de productions se multiplier dans le monde entier, notamment aux Etats‑Unis et en Europe. L’ouvrage est donné pour la première fois au Grand Théâtre de Genève.


L’intrigue de María de Buenos Aires raconte la vie d’une femme, María, qui naît à Buenos Aires sous une bien mauvaise étoile – « un jour où Dieu était bourré » comme le dit si joliment le livret –, qui végète dans les bas‑fonds de la ville, puis devient une vedette dans les cabarets les plus renommés et décide de faire de la prostitution son métier, avant de redevenir vierge, de mourir... et de renaître. Cette histoire de naissance, d’ascension, de déclin et de renaissance peut aussi être interprétée comme une allégorie du tango ou de la ville de Buenos Aires. Bien évidemment, le tango se taille la part du lion dans la partition de Piazzolla, au point de faire dire au bandonéoniste de la production, dans le programme de salle, que l’œuvre «  n’est pas un opéra, ce sont 17 tangos ». La musique classique européenne n’est pas en reste, avec l’utilisation de la fugue par exemple ainsi que des rythmes de jazz (avec batterie, guitare électrique et flûte traversière). Opéra, tango, l’œuvre s’apparente aussi à la comédie musicale. Et on ne peut bien évidemment s’empêcher de penser à Evita, qui raconte également la trajectoire d’une femme argentine.


Pour tenir compte des volumes de la salle du Grand Théâtre, le chef d’orchestre Facundo Agudin a décidé d’abandonner la formation prévue initialement par Piazzolla (une dizaine de musiciens) pour faire jouer la partition par un orchestre d’une quarantaine de personnes ; en outre, les instruments et les voix sont sonorisés, car les solistes ne sont pas des chanteurs d’opéra. La fosse a aussi été surélevée. De la distribution, on retient notamment Raquel Camarinha, Maria à la voix lumineuse et souple, teintée d’un voile de nostalgie et à la présence scénique incandescente, ainsi qu’Inés Cuello, qui brille par son énergie ainsi que son timbre chaud et velouté. Facundo Agudin, natif de Buenos Aires, est parfaitement dans son élément. A la tête de l’Orchestre de la Haute Ecole de musique de Genève, il dirige avec énergie et dynamisme, tout en restant très attentif à l’équilibre entre la fosse et le plateau.


Dans le droit fil de sa production d’Einstein on the Beach qui avait fait sensation ici même il y a quatre ans, Daniele Finzi Pasca a conçu un spectacle féerique et magique, composé de plusieurs tableaux enchanteurs, qui s’enchaînent avec fluidité. On voit ainsi défiler une énorme paroi composée de caveaux funéraires, les structures métalliques d’un cabaret, des voiles aux couleurs changeantes qui forment le décor d’un tango déjanté dansé par des lits d’hôpital ou encore une patinoire sur laquelle tombe de la neige. Les danseurs et les acrobates de la compagnie du metteur en scène livrent des performances époustouflantes, et le spectacle n’est pas sans rappeler le Cirque du Soleil, avec lequel d’ailleurs Daniele Finzi Pasca a collaboré à deux reprises. Le metteur en scène a aussi choisi de confier les rôles masculins à des femmes afin d’instiller dans son spectacle un zeste d’ironie et une bonne dose de distanciation. Seul bémol : cette conception circassienne un peu trop joyeuse et lisse ne rend pas totalement justice à l’existence cabossée de María. Mais on aurait tort de bouder son plaisir, ce spectacle est une réussite.


Le spectacle en intégralité sur le site Arte Concert :






Claudio Poloni

 

 

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