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Un pilier du répertoire tchèque

Ostrava
Národní divadlo Moravskoslezské (Divadlo Antonína Dvoráka)
10/26/2023 -  et 22 juin, 23 novembre 2023, 19 janvier, 4, 19 mars, 16 avril, 6, 15 mai 2024
Bedrich Smetana : Dalibor
Tomás Juhás*/Luciano Mastro/Richard Samek (Dalibor)/Martin Bárta/Marián Lukác* (Vladislav), Martin Gurba¾*/Frantisek Zahradnícek (Budivoj), Jozef Benci*/Peter Mikulás (Benes), Martin Javorský/Ondrej Koplík* (Vítek), Jolana Fogasová*/Katerina Hebelková (Milada), Veronika Rovná*/Anna Wilczynska (Jitka), Erik Ondrus/Waldemar Wieczorek* (Juge)
Ostravský operní sbor, Jurij Galatenko (chef de chœur), Ostravský operní orchestr, Jirí Habart/Robert Jindra/Josef Kurfirt* (direction musicale)
Martin Otava (mise en scène), Daniel Dvorák (scénographie), Dana Haklová (costumes), Jana Tomsová (chorégraphie), Juraj Bajús (dramaturgie)


(© Martin Popelár)


Avec plus d’une trentaine de spectacles différents présentés chaque année, la saison musicale de l’Opéra d’Ostrava impressionne par son importance et sa diversité, faisant une place au répertoire lyrique traditionnel, mais également à la comédie musicale et au ballet. La salle « historique » (1907), à laquelle Antonín Dvorák a donné son nom, est un écrin privilégié, tant la proximité avec la scène offre un rapport idéal pour l’acoustique, par ailleurs doté d’un écran avec surtitres en tchèque et en anglais. Un confort moderne digne de la troisième ville du pays, qui peut aussi s’enorgueillir d’une programmation audacieuse, avec plusieurs raretés, telles que les courts opéras de Viktor Ullmann, l’enfant du pays (voir ici).


L’événement de la saison est incontestablement la décision de donner les huit opéras de Smetana à la suite, en autant de soirées différentes (du 2 au 10 mars, puis du 4 au 12 mai 2024), afin de fêter le deux‑centième anniversaire de la naissance du compositeur. De quoi entendre des ouvrages rarissimes dans nos contrées mais également en Tchéquie, tels que Les Brandebourgeois en Bohème (1866) ou Le Mur du diable (1882). Solidement installé au répertoire local, Dalibor (1868) constitue le tout premier chef‑d’œuvre « sérieux » de Smetana, puisant aux racines tchèques par les références hussites prêtées au rôle‑titre, autant qu’à sa grandeur d’âme : devenu symbole de la résistance face à un pouvoir autoritaire faisant fi de la volonté populaire, cet ouvrage a été créé pendant la période de domination autrichienne, lui donnant une résonance patriotique encore forte aujourd’hui. Toutefois, cela n’empêcha pas Smetana de superviser lui‑même la version allemande de Dalibor (voir notre compte rendu de la production donnée à Francfort en 2019 dans la langue de Goethe), afin de donner davantage de rayonnement à son ouvrage.


A Ostrava, la production créée au printemps dernier (qui sera reprise l’an prochain avec le cycle complet des opéras) est exécutée devant une salle malheureusement clairsemée, mais attentive à l’éloquence du drame. En symphoniste capable de convoquer toutes les couleurs de l’orchestre, Smetana impressionne par son don mélodique enveloppant, de même que sa variété d’expression, de la grandeur royale très cuivrée aux effluves évanescents de Milada, aux bois. Dalibor s’épanouit quant à lui dans un contexte volontiers plus lyrique, souvent accompagné par le premier violon (proche en cela de la légende qui lui fit jouer de cet instrument en prison), tandis que le geôlier Benes s’enferme dans les teintes grises et ternes aux cordes, révélatrices de son horizon bouché. Autant la grandeur des chœurs au I (splendide cohésion des forces locales réunies) que l’esprit populaire au début du II sont parfaitement rendus, même si la direction de Josef Kurfirt a parfois la main lourde dans les passages vifs. Le chef tchèque reste toutefois attentif à la narration, sans jamais couvrir le plateau.


Le plateau vocal réuni se montre convaincant par son niveau globalement homogène, mais trouve quelques limites dans les rôles principaux, évidemment plus périlleux. Ainsi de Tomás Juhás (Dalibor), qui fait valoir un naturel d’émission et une belle vaillance, sans toutefois faire oublier plusieurs faussetés dans les aigus approximatifs. Le positionnement de voix de Jolana Fogasová (Milada), parfois instable, souffre d’un vibrato audible et d’une perte de substance dans les passages rapides. Fort heureusement, son aisance dramatique donne une présence soutenue à sa composition, à même de faire oublier ses limites techniques. On lui préfère toutefois le chant rayonnant de Veronika Rovná (Jitka), d’une aisance superlative sur toute la tessiture, ou encore l’interprétation pénétrante de Jozef Benci (Benes), aux graves d’une profondeur aussi abyssale que sonore. On retient aussi la très bonne prestation technique de Marián Lukác (Vladislav), d’une élégance de ligne toujours millimétrée, malheureusement un rien trop timide par endroit.


Une timidité que l’on retrouve aussi malheureusement dans le travail efficace mais peu imaginatif de Martin Otava, qui modernise le sobre plateau par quelques éléments (dont le symbolique lion argenté de Bohème), sans pour autant parvenir à limiter le statisme de l’action. Les éclairages alternent différentes couleurs, restant dans la veine illustrative de la mise en scène. Une production sérieuse et de bonne tenue, mais qui aurait mérité davantage d’audace pour pleinement nous emporter, notamment dans l’utilisation trop restreinte du plateau tournant.



Florent Coudeyrat

 

 

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