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Marche inexorable et glaçante

Paris
Cinéma Pathé Opéra
10/21/2023 -  
Jake Heggie : Dead Man Walking
Ivo van Hove (production), Jan Versweyveld (décors, lumières), An D’Huys (costumes), Christopher Ash (projections), Tom Gibbons (son)
Joyce DiDonato (Sister Helen Prejean), Latonia Moore (Sister Rose), Helena Brown (Mother), Briana Hunter (Sister Lillianne), Magdalena Kuzma (Sister catherine), Matteo Omoso Castro (Jimmy), Alexa Jarvis (Mrs. Charlton), Justin Austin (Motorcycle cop), Chad Shelton (Father Grenville), Raymond Aceto (Warden George Benton), Christopher Job, John Hancock (Prison guards), Patrick Miller, Jonathan Scott, Earle Patriarco, Ross Benoliel, Tyler Simpson (Inmates), Ryan McKinny (Joseph De Rocher), Regan Sims (Paralegal), Mark Joseph Mitrano (Older brother), Susan Graham (Mrs. Patrick De Rocher), Rod Gilfry (Owen Hart), Krysty Swann (Jade Boucher), Wendy Bryn Harmer (Kitty Hart), Chauncey Packer (Howard Boucher), Jonah Mussolino (Younger brother)
Metropolitan Opera Chorus, Donald Palumbo (chef de chœur), Young People’s Chorus of New York City, Francisco J. Núnez (chef de chœur), Metropolitan Opera Chilren’s Chorus, Anthony Piccolo (director), Metropolitan Opera Orchestra, Yannick Nézet‑Séguin (direction musicale)


J. DiDonato, R. McKinny (© )


Consécration suprême pour Dead Man Walking (La Dernière Marche), l’opéra de Jake Heggie sur un livret de Terrence McNally d’après le livre de sœur Helen Prejean qui, après sa création en 2000 à l’Opéra de San Francisco et une carrière mondiale de presque un quart de siècle, accède triomphalement au Metropolitan Opera de New York dans une mise en scène de Ivo van Hove et à la retransmission mondiale dans les cinémas.


Cette retransmission s’inscrit dans le projet de Peter Gelb, general manager du Met, d’accélérer le nombre de créations et reprises d’opéras de compositeurs contemporains durant son mandat. Elle suit celles lors des précédentes saisons de Fire Shut Up in My Bones et Champion de Terence Blanchard ainsi que The Hours de Kevin Puts. Et précède, pour la saison en cours, celles de X : La Vie de Malcolm X d’Anthony Davis (18 novembre) et Florencia sur l’Amazone de Daniel Catán (9 décembre) ainsi que El Nino de John Adams. En cinq ans, une quinzaine de créations ont été programmées, leur succès au box‑office dépassant souvent, selon Peter Gelb, celui des pièces maîtresses du répertoire (voir ici).


Une des clefs du succès de cette nouvelle production a été de faire appel (pour la seconde fois cette année, après Don Giovanni) au metteur en scène belge Ivo van Hove, directeur artistique du Toneelgroep Amsterdam, célèbre pour sa maîtrise de la vidéo et sa direction d’acteur au cordeau. Une autre clef aura été de faire appel pour le distribuer à deux valeurs sûres de la maison, Joyce DiDonato et Susan Graham, de surcroît toutes deux interprètes d’origine de l’œuvre, dominant une équipe vocale entièrement américaine absolument sans faille.


Grâce à l’apport d’un mobilier minimaliste mais très efficace et à l’usage de la vidéo en direct réalisée par des opérateurs sur scène, et aussi à la scénographie et aux éclairages magistraux de Jan Versweyveld, Van Hove situe l’action dans un espace unique qui figure les différents lieux de l’action. Pendant l’Ouverture, il nous montre le film du crime abominable commis par les frères De Rocher, la vérité du drame dans sa plus horrible cruauté, décision importante puisque le condamné, Joseph, niera jusqu’au moment de son exécution sa participation à ce double meurtre d’adolescents. De même, de l’exécution par injection létale aucun détail n’est épargné au spectateur, soulignant s’il le fallait la violence terrible de cette scène finale qui n’a peut‑être pour équivalent que celle de Dialogues des carmélites de Poulenc. Les acteurs et figurants sont dirigés avec une économie et une précision magnifiques auxquelles le metteur en scène nous a habitués dans toutes ses productions théâtrales.


Il est vrai que deux des interprètes féminines, Susan Graham (la mère de Joseph), qui a créé le rôle de Sœur Helen en 2000 à San Francisco, et Joyce DiDonato, qui a souvent chanté ce rôle au fil des nombreuses reprises de l’opéra, sont magnifiques vocalement et de crédibilité théâtrale, même et surtout avec l’impitoyable artifice du gros plan cinématographique. Elles donnent un relief bouleversant aux destins de ces deux femmes suspendues à celui du condamné et à sa rédemption finale. Dans le rôle de Sœur Rose, confidente de Sœur Helen, la soprano Latonia Moore, excellente comédienne aussi, délivre une prestation vocale époustouflante, notamment dans les parties de gospel mais aussi dans ses confrontations parfois violentes avec Sœur Helen (là encore les Dialogues de Poulenc ne sont pas loin). Extraordinaire par la force physique dégagée et par la performance vocale le Joseph De Rocher de Ryan McKinny, qui maintient jusqu’au bout le mensonge sur sa culpabilité avec un aplomb terrifiant. Dans certaines scènes en huis clos avec Sœur Helen, l’affrontement physique et vocal peut donner la chair de poule.


Il est assez rare lorsque l’on écoute un opéra contemporain de ne pas chercher et trouver les influences évidentes de certains compositeurs. Rien de tel dans la partition de Jake Heggie, dont l’écriture est tout à fait originale, constamment dans la veine de l’opéra lyrique romantique (l’usage de quasi-leitmotivs wagnérien est un de ses modes d’écriture vocale) et incluant des éléments de jazz, gospel, musical, pop music quand cela s’impose. Si l’on a cité Poulenc, c’est plus pour des éléments similaires de dramaturgie que pour une quelconque similitude de style musical. Yannick Nézet‑Séguin a dirigé avec beaucoup de fluidité et de finesse l’Orchestre du Metropolitan Opera pour cette série de représentations new‑yorkaises dont le succès public a été énorme et le retentissement national considérable dans ce pays où la peine de mort est encore légale dans vingt‑sept de ses cinquante Etats.



Olivier Brunel

 

 

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