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Le retour triomphal de Kathryn Lewek

Nice
Opéra
09/29/2023 -  et 1er, 3 octobre 2023
Léo Delibes : Lakmé
Kathryn Lewek (Lakmé), Thomas Bettinger (Gérald), Majdouline Zerari (Mallika), Jean‑Luc Ballestra (Nilakantha), Guillaume Andrieux (Frédéric), Lauranne Oliva (Ellen), Elsa Roux Chamoux (Rose), Svetlana Lifar (Mrs Bentson), Carl Ghazarossian (Hadji)
Chœur de l’Opéra Nice Côte d’Azur, Giulio Magnanini (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Nice, Jacques Lacombe (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Luc Birraux (reprise de la mise en scène), Camille Dugas (décors), Joël Adam (lumières)


K. Lewek (© Dominique Jaussein)


Après avoir été étrennée à l’Opéra-Comique il y a tout juste un an, c’est à l’Opéra de Nice Côte d’Azur que l’on pouvait découvrir cette production de Lakmé revue et corrigée par Laurent Pelly à partir du drame imaginé par Pierre Loti. Notre confrère Olivier Brunel avait assisté à la création parisienne, et il n’avait guère aimé le travail du célèbre metteur en scène, repris ici par Luc Birraux. Nous serons moins durs, et ce dépouillement extrême, en effet plus japonisant qu’indien, ne nous a pas gêné, d’autant qu’il permet aux spectateurs de se concentrer sur le drame de cette impossible rencontre entre deux mondes diamétralement opposés et qu’il laisse toute la place à deux incarnations saisissantes, celles de la soprano américaine Kathryn Lewek et du jeune ténor français Thomas Bettinger.


La première est exceptionnelle dans le rôle‑titre, après sa triomphale Lucia in loco en mai dernier, et sa Lakmé est d’autant plus exceptionnelle qu’elle s’éloigne de la « vestale sucrée » entendue et attendue dans cet emploi par le passé. C’est une héroïne de chair et de feu que la chanteuse incarne, une femme dévorée par l’amour, capable par passion de tous les sacrifices. Dotée d’un beau médium et d’une voix puissante – qualités rares chez une soprano colorature –, elle n’en demeure pas moins prodigieuse dans ses cadences, ses notes piquées, ses pianissimi éthérés et ses suraigus, avec le fameux contre‑mi de l’Air des clochettes parfaitement négocié. Côté jeu, l’artiste confère une âme véritable à la prêtresse parjure par amour, et bouleverse dans son air final « Tu m’as donné le plus doux rêve ». C’est un triomphe mérité que lui réserve le public au moment des saluts.


Face à elle, Thomas Bettinger lui donne l’exacte réplique avec un Gérald sensuel, au phrasé contrôlé, au timbre séducteur, à la diction exemplaire, capable de piani langoureux et de cette tension dans l’émission qu’exigent ces rôles « mixtes », si typiques de l’opéra‑comique de la seconde moitié du XIXe siècle. C’est d’autant plus remarquable qu’il est habitué à chanter des rôles autrement plus « lourds », du type Faust ou Don José. Le baryton niçois Jean‑Luc Ballestra un Nilakantha inquiétant et d’une grande densité vocale, tandis que Majdouline Zerari, avec son timbre corsé et opulent, convainc dans le rôle de Mallika, notamment dans le duo du I, où la mezzo franco-marocaine trouve des accents sensuels et abandonnés. Une mention particulière pour le très élégant Frédéric, tant vocalement que scéniquement, du baryton français Guillaume Andrieux, sans oublier les piquantes miss anglaises de Lauranne Oliva et Elsa Roux Chamoux, l’autoritaire Mrs Bentson Svetlana Lifar, et enfin le touchant Hadji de Carl Ghazarossian.


A la tête de la phalange maison, le chef québécois Jacques Lacombe donne libre court à son amour évident pour cette musique, en faisant s’exhaler toutes les fragrances de cet opéra. Sa direction souple et précise, capable de toutes les nuances, fait palpiter le phrasé de la partition et en restitue le lyrisme, voire la violence colorée, en particulier dans le final du I et les chœurs dansés du II. Notons à ce propos l’excellente qualité du chœur niçois, remarquablement préparé par son Giulio Magnanini.



Emmanuel Andrieu

 

 

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