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Opéra pour tous

Lozère
Le Malzieu-Ville (Halle de sports)
08/02/2023 -  
Giuseppe Verdi : La traviata (extraits)
Roxane Chalard (Violetta), Se‑Jin Hwang (Alfredo), Christian-Rodrigue Moungoungou (Germont)
Orchestre du festival, Alexandra Cravero (direction musicale)
Renaud Boutin (mise en scène), Emilie Roy (scénographie)




La Lozère est avare de festivals de musique dite « classique », plus particulièrement dans le nord du département, entre Margeride et Aubrac, aux confins du Cantal et de l’Aveyron. Il y eut un temps une manifestation baroque à Javols, l’ancienne Anderitum, chef‑lieu des Gabales, et puis plus rien. Heureusement, le hautboïste Damien Fourchy et le violoniste Simon Milone ont pris l’initiative, en 2012, de fonder un festival au Malzieu‑Ville et, surtout, sont parvenus à le faire vivre par‑delà les années, dans ce beau village médiéval où le visiteur est accueilli par une sculpture représentant deux hardis paysans faisant face à la bête du Gévaudan. Nous en voici donc à la dixième édition des Rencontres musicales du Malzieu, qui se déroulent en quatre soirées du 2 au 5 août, complétées par trois matinales (10 heures !) à entrée libre, un stage de théâtre et des actions en Ehpad.



E. Roy (de dos), R. Chalard (© Emmanuel Milone)


Pour l’inauguration de cet anniversaire, il aura hélas fallu, en raison des intempéries, renoncer au plein air pour se replier vers la Halle de sports et assister à un spectacle conçu par l’ensemble lyrique Du Bout Des Doigts, fondé par Alexandra Cravero pour promouvoir « le répertoire d’opéra pour tous et en tout lieu ». C’est exactement ce dont il est question ici, avec un public parmi lequel personne ne lève la main lorsqu’au début, la cheffe demande qui connaît La Traviata. La première maison d’opéra (Clermont‑Ferrand), de fait, est distante de plus de 100  kilomètres. Et pourtant, la salle ne se fait pas prier, à son invitation, pour entonner le fameux brindisi du premier acte : on la connaît donc quand même un peu, cette Traviata, et on va avoir l’occasion de la découvrir plus amplement, certes pas comme à la Scala, mais avec de petits moyens qui ne dispensent pas d’avoir de grandes ambitions.


Petit format, puisqu’Alexandra Cravero a réalisé une réduction de la partie orchestrale : un musicien pour chaque instrument de la famille des vents, quintette à cordes, timbales et harpe, parfois amenée à jouer... des cymbales. La distribution est à l’avenant, restreinte aux trois rôles principaux. Dans ces conditions, il faut bien sûr opérer des coupures, qui privent les auditeurs d’un autre « tube », le chœur des bohémiennes et des matadors au deuxième acte, tout en préservant un peu plus d’une heure et demie de musique, soit pas loin des trois quarts de la partition. Mais il faut quand même trouver une solution pour la rapiécer, et c’est là qu’on passe des petits moyens aux grandes ambitions.


Le metteur en scène Renaud Boutin a écrit un texte (en français) dans lequel Violetta jette un regard rétrospectif sur sa courte vie, généralement lu quand la musique se tait mais parfois en même temps que l’orchestre voire en dialogue avec les voix. Même si le style s’inscrit très nettement en décalage avec le livret de Piave, le procédé est habile en ce qu’il permet à la fois de combler les interstices mais surtout de permettre au public de comprendre ce qui s’est passé et ce qui va se dérouler. On pourra simplement regretter que la diffusion ne soit pas optimale, l’enregistrement semblant avoir été effectué de trop près pour que tout soit parfaitement perceptible.


Le décor ? Il y a le lit, bien sûr, au centre, et des guirlandes de fleurs, mais l’essentiel n’est pas là : au fond du plateau, une grande toile noire évolue au gré des apports, en blanc, rouge ou vert, et des effacements auxquelles la scénographe Emilie Roy, armée d’un pinceau, d’une brosse ou d’une éponge, procède en temps réel durant la représentation. Apparaîtront et disparaîtront successivement un intérieur bourgeois, le début d’une lettre de Violetta ou des motifs plus abstraits. Evolue par ailleurs sur scène un jeune garçon vêtu d’un blanc angélique – peut‑être un esprit protecteur dans l’au‑delà d’où nous parle la défunte. En revanche, l’idée consistant à distribuer aux spectateurs quelques confetti qu’ils sont invités à lancer sur les chanteurs quand ils traversent la halle au moment de la fête du premier acte, si elle vise sans doute à mieux impliquer le public, fait un flop.


Musicalement, la soirée est dominée par la Traviata impressionnante de Roxane Chalard : elle possède non seulement le tempérament du rôle‑titre, mais aussi l’assurance d’une voix juste, puissante (même quand la sonorisation donne l’impression ne pas bien fonctionner au troisième acte) et impeccablement homogène sur l’ensemble de la tessiture, avec un sens exceptionnel du phrasé et des nuances. Plus en retrait tant vocalement que scéniquement, ses deux partenaires sont des artistes des Chœurs de l’Opéra national de Paris. Se‑Jin Hwang est un Alfredo plus convaincant dans la douceur de « Parigi, o cara » que dans la puissance de « De’ miei bollenti spiriti », où le vibrato et l’engorgement paraissent excessifs. Christian-Rodrigue Moungoungou, quant à lui, campe un Germont de bonne tenue, mais un peu prudent et monochrome.


Il y a quelque chose d’agaçant avec ce son qui semble toujours provenir du même endroit alors que les protagonistes bougent. Il en va de même avec l’orchestre, dont les contours sont parfois mal définis et dont les cordes, en outre, sonnent parfois de façon caverneuse. Mais travailler avec les micros est toujours délicat, de telle sorte que le résultat peut globalement être considéré comme satisfaisant. De toute façon, l’élan, l’engagement, la direction dramatique, efficace et sensible d’Alexandra Cravero permettent d’oublier l’essentiel de ces réserves.


Le public en est visiblement convaincu. Réécoutera‑t‑il La Traviata à la maison ? Saisira‑t‑il un jour ou l’autre l’occasion d’aller voir et entendre un autre opéra « pour de vrai » ? En tout cas, un festival et une compagnie tels que Les Rencontres du Malzieu et l’ensemble Du Bout Des Doigts remplissent une véritable mission de service public : porter l’univers lyrique dans des lieux où il n’est pas aisément accessible. Ce n’est pas rien.


Le site des Rencontres musicales du Malzieu
Le site d’Alexandra Cravero
Le site de Roxane Chalard



Simon Corley

 

 

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