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Amour, sexe et pouvoir

Zurich
Opernhaus
05/21/2023 -  et 25, 27 mai, 2, 4, 8, 11 juin 2023
George Benjamin : Lessons in Love and Violence
Ivan Ludlow*/Lauri Vasar (King), Jeanine De Bique (Isabel), Björn Bürger (Gaveston), Mark Milhofer (Mortimer), Sunnyboy Dladla (Young King, Boy), Isabelle Haile (Witness 1), Josy Santos (Witness 2), Andrew Moore (Witness 3)
Philharmonia Zürich, Ilan Volkov (direction musicale)
Evgeny Titov (mise en scène), Rufus Didwiszus (décors), Falk Bauer (costumes), Martin Gebhardt (lumières), Tieni Burkhalter (vidéo), Claus Spahn (dramaturgie)


(© Herwig Prammer)


L’Opernhaus de Zurich présente, en première suisse, la deuxième production scénique du troisième opéra de George Benjamin (né en 1960), Lessons in Love and Violence, après la création de l’ouvrage en 2018 à Londres, si on fait abstraction d’une version concertante qui a tourné en Allemagne et en Belgique fin avril-début mai. L’œuvre est fondée sur la pièce Edward II de Christopher Marlowe, un contemporain de Shakespeare. Le Roi Edward II, qui vécut de 1284 à 1327, néglige ses sujets affamés et délaisse les affaires du royaume pour se consacrer à la musique et à la poésie, et pour filer le parfait amour avec son favori, Gaveston. Toujours amoureuse de son époux, la Reine Isabel veut se débarrasser de son rival et décide de se ranger du côté de Mortimer, le chef des armées, pour parvenir à ses fins. George Benjamin et son librettiste, Martin Crimp, ont concentré l’action sur ces quatre personnages pour en dévoiler les drames intérieurs. L’intrigue est violente et sanglante : Gaveston est assassiné, le roi est torturé à mort et Mortimer connaît lui aussi une fin atroce ; paradoxalement, George Benjamin a composé une musique parfaitement accessible, extrêmement raffinée et élaborée, concise et précise, particulièrement tendue et sans aucune fioriture, avec des lignes de chant habilement imbriquées dans la masse orchestrale et très bien adaptées aux voix, ce qui n’est pas toujours le cas dans la musique contemporaine. L’orchestration se fait puissante, avec des déferlements sonores impressionnants, uniquement dans les interludes entre les sept scènes qui composent l’ouvrage, lequel dure une heure et demie et est joué d’une seule traite. L’effectif orchestral est plutôt fourni du côté des percussions et comprend des instruments qu’on a peu l’habitude d’entendre dans une fosse d’opéra, comme des castagnettes et des tambourins.


Si, lors de la création de l’ouvrage en 2018 à Londres, la metteur en scène Katie Mitchell avait opté pour une scénographie réaliste composée d’un appartement moderne avec ses différentes pièces, cette deuxième production scénique de l’œuvre, signée Evgeny Titov, se déroule dans un décor unique baroque abstrait vert émeraude (conçu par Rufus Didwiszus), qui accentue le côté surréaliste et la folie de l’intrigue et qui est rehaussé par les splendides éclairages de Martin Gebhardt et les vidéos de Tieni Burkhalter. Le plateau est pratiquement nu, ce qui permet de se concentrer sur les personnages de cette histoire d’amour, de sexe et de pouvoir, finement caractérisés, et sur les relations qu’ils entretiennent entre eux, dans une atmosphère sombre et tendue. Seuls quelques accessoires meublent le plateau : un grand lit, des gradins ou encore une table sur laquelle est posée une pieuvre. Evgeny Titov a su habilement capter l’attention du public jusqu’à la fin : une jeune femme vêtue de blanc et toujours présente sur scène se déshabille pour finir par laisser apparaître qu’il s’agit en fait d’un homme, que le fils du Roi appelé à succéder à son père va à son tour ériger en favori.


A la tête du Philharmonia Zürich, Ilan Volkov fait résonner la partition avec force et souplesse à la fois, en en livrant une exécution transparente et en ne perdant jamais de vue la tension dramatique. La distribution est emmenée par la splendide Isabel de Jeanine De Bique, qui impressionne par les couleurs de sa voix mais surtout par l’intensité de son chant, campant une Reine fière et hautaine. On relèvera également ses magnifiques robes haute couture dessinées par Falk Bauer. Baryton au timbre chaud et corsé, Ivan Ludlow traduit à merveille la fragilité et les tourments du Roi. Sa prestation est d’autant plus remarquable qu’il n’est arrivé à Zurich que quelques jours avant la première pour remplacer un collègue malade. Björn Bürger incarne un Gaveston des plus séduisants et sensuels ; son baryton plus clair permet aux voix des deux amants de se marier idéalement. Le ténor Mark Milhofer campe avec brio un Mortimer particulièrement froid et calculateur, l’exact opposé du souverain. On mentionnera aussi le superbe fils du Roi de Sunnyboy Dladla, dont la naïveté et la douceur initiales se transforment en brutalité qui n’a rien à envier à celle de son père. On attend désormais avec impatience le quatrième opéra de George Benjamin, Picture a day like this, écrit en collaboration avec son fidèle librettiste Martin Crimp, qui sera étrenné cet été au Festival d’Aix‑en‑Provence.



Claudio Poloni

 

 

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