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Programme tchèque Normandie Deauville (Salle Elie de Brignac‑Arqana) 05/05/2023 - Antonín Dvorák : Terzetto pour deux violons et alto, opus 74, B. 148 – Quintette pour cordes et piano n° 2, opus 81, B. 155
Bohuslav Martinů : Nonette n° 2, H. 374 Nina Pollet (flûte), Philibert Perrine (hautbois), Joë Christophe (clarinette), Marceau Lefèvre (basson), Manuel Escauriaza Martinez-Penuela (cor), David Petrlik, Perceval Gilles (violon), Lise Berthaud (alto), Adrien Bellom (violoncelle), Yann Dubost (contrebasse), Gaspard Thomas (piano)
D. Petrlik, L. Berthaud, P. Gilles (© Stéphane Guy)
Le vendredi 5 mai débutait la dernière série de concerts du vingt‑septième festival de musique de chambre de Deauville, ledit festival étant judicieusement articulé autour des vacances de Pâques et des week‑ends et ponts de printemps. Le public n’était cependant pas au rendez‑vous alors qu’il s’agissait du début, justement, du long week‑end du 8 mai, que le programme était encore une fois assez consensuel et que les prestations auraient mérité une beaucoup plus large assistance.
S’agissant du programme, il était intégralement tchèque et d’auteurs clairement tournés vers le passé. L’autre point commun était que les artistes, parfois très jeunes, entouraient à chaque fois Lise Berthaud, altiste à la passion pour la musique de chambre chevillée au corps et devenue décidément, après une vingtaine d’années de passages à Deauville, un pilier du festival. L’esprit de ce dernier, où les anciens épaulent les promesses d’avenir, trouvait là encore une belle illustration.
Au lieu d’une énième page de Brahms, étaient proposées cette fois des œuvres de son admirateur et disciple, Antonín Dvorák (1841‑1904), un extraordinaire mélodiste assurément et que certains pourrait qualifier aussi de remarquable pédagogue tant il répète ses trouvailles mélodiques à satiété (et qu’on a aussi déjà beaucoup entendu à Deauville).
Le concert débute par son Terzetto pour deux violons et alto (1887), aimable et brève composition écrite pour lui‑même et deux voisins violonistes. Les interprètes jouent debout ces pages sans prétention. La mise ne place ne souffre pas de critiques. Les effets d’éloignement du Scherzo sont même assez bien rendus. En revanche, les timbres des violons ne sont pas toujours agréables.
(© Stéphane Guy)
Le Second Nonette (1959) de Bohuslav Martinů (1890‑1959) présente beaucoup plus d’intérêt. Ecrit peu, avant la mort du compositeur, pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, violon, alto, violoncelle et contrebasse, il est empreint de nostalgie pour la patrie abandonnée au travers de reprises, comme au demeurant dans l’œuvre précédente de Dvorák, de thèmes folkloriques. Il n’a pas la puissance des œuvres orchestrales de Martinů mais on y retrouve son motorisme et ses crescendos jubilatoires. La prestation révèle en tout cas d’excellents musiciens du côté des vents, les violons étant malheureusement un cran en dessous.
P. Gilles, G. Thomas, D. Petrlik, L. Berthaud, A. Bellom (© Stéphane Guy)
Et on retrouve en seconde partie de concert Dvorák alors qu’on aurait aimé un prolongement, une mise en perspective, de l’œuvre de Martinů avec d’autres compositions pour nonette, ce format étant peu fréquent et l’effectif idoine se trouvant exceptionnellement rassemblé à Deauville. On trouve en effet des nonettes chez Louis Spohr, Louise Farrenc et Nino Rota. Entraînés, galvanisés même, par une grande Lise Berthaud, les musiciens enlèvent véritablement les Allegros de début et de fin, faisant montre d’une belle cohésion. On revoit parmi eux un pianiste sensible, le jeune Gaspard Thomas (26 ans cette année), déjà remarqué en août dernier. Il doit gérer un piano assez clinquant. Son jeu bénéficiant d’une impressionnante indépendance digitale reste très clair. Il gagne heureusement en chair, en rondeur, au fur et à mesure de l’œuvre. Compte tenu de la réussite globale, on ne pouvait que regretter le bruit de la pluie s’abattant en même temps sur la toiture de la salle. Dans ces circonstances, le public ne pouvait que saluer l’abnégation, comme le talent, des artistes. Il obtient sans peine, en bis, une reprise du feu d’artifice final.
Stéphane Guy
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