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Du soir au matin Normandie Deauville (Salle Elie de Brignac‑Arqana) 04/30/2023 - Wolfgang Amadeus Mozart : Sérénade n° 6 « Serenata notturna », K. 239 – Symphonie n° 1 en mi bémol majeur, K. 16
Joseph Haydn : Symphonie n° 6 en ré majeur « Le Matin », Hob.I:6 – Arianna a Naxos, Hob.XXVIb:2 (arrangement pour orchestre) Eléonore Pancrazi (mezzo-soprano)
Le Concert de la Loge, Julien Chauvin (direction)
E. Pancrazi et Le Concert de la Loge (© Stéphane Guy)
Le cinquième concert du vingt‑septième festival de musique de chambre de Deauville, retransmis en direct sur le site de b·concerts, faisait couler du sang viennois à Deauville avec des pages de Wolfgang Amadeus Mozart (1756‑1791) en première partie et de son contemporain Joseph Haydn (1732‑1809) en seconde, permettant de passer d’une évocation du soir à celle du matin.
Il débutait en effet par la Sixième Sérénade « Nocturne » (1776), de Mozart. S’en détachent un violon solo, dans les mains du chef Julien Chauvin lui‑même, des timbales et un quatuor à cordes. Le jeu des timbales et des pizzicatos des cordes donne tout son charme et sa fierté à la Marche initiale. Le quatuor ouvre le Menuet central, aimable mais un brin poussif. Et tous produisent un Rondo final, très concertant, aussi festif qu’espiègle.
Le Concert de la Loge, ensemble créé en 2015 et qui a ses quartiers tant à la Fondation Singer-Polignac qu’à Deauville, interprète ensuite, toujours debout et sur ses instruments anciens, la Première Symphonie (1765) du même auteur, composée à l’âge de... 8 ans. Le timbalier était sorti mais étaient arrivés, de la partie haute de la salle et non par l’entrée habituelle des musiciens, les vents : deux cors, deux hautbois et un basson. On n’ira pas jusqu’à reprendre l’appréciation iconoclaste de Glenn Gould, qui invitait à délaisser les œuvres de la maturité et pour qui Mozart était finalement mort trop tard, mais il faut convenir qu’au‑delà de la stupéfaction lorsqu’on apprend que l’œuvre a été composé par un gamin, cette symphonie a un charme et une élégance indéniables. Ils sont d’ailleurs bien mis en valeur par Le Concert de la Loge. Sans doute les cors naturels claquent‑ils un peu au vent comme des drapeaux le long des célèbres planches de la cité balnéaire mais ce Presto final, virevoltant, emporte sans peine notre adhésion.
De Haydn, on entend ensuite, avec le même effectif, auquel se joint une flûte, une autre œuvre de jeunesse, sa Sixième Symphonie (1761), première d’une série de trois écrites pour célébrer différents moments de la journée, thème qui avait été exploité par Richard Dubugnon dans sa si peu inventive Suite séculaire proposée le 28 avril à partir d’arrangements de pièces de Johann Sebastian Bach pour quatuor à cordes. La symphonie avait déjà été proposée au public deauvillais mais il y a près de vingt ans, en 2004 avec Lise Berthaud à l’alto et Gautier Capuçon au violoncelle. A nouveau très concertant, on retient cependant plus les interventions de la flûte et du basson que celles du violon solo, notamment dans le Menuet, fort subtil qu’on aurait davantage apprécié si la centrale de traitement d’air s’était parfaitement tue. L’Allegro final, avec sa reprise, est en tout cas une belle réussite.
Etait ensuite proposée, toujours de Haydn, une cantate, Ariane à Naxos (1789), écrite initialement pour voix et clavier, dans une version orchestrée par un auteur que l’on n’est pas encore parvenu à déterminer. C’est un mini‑opéra sur un thème mythologique qui en inspira plus d’un, de Monteverdi à, bien sûr, Richard Strauss. Eléonore Pancrazi, jeune mezzo‑soprano corse (née en 1990) débarque sur scène comme sur l’île de Naxos alors que l’orchestre a déjà débuté. Dans une impressionnante robe noire, elle y met beaucoup de cœur et de théâtralité. Dotée d’une belle projection et de magnifiques pianissimos, à l’aise sur l’ensemble de la tessiture, elle passe de la colère au désespoir (« Ah, che morir vorrei ») de façon très prenante. Une belle découverte à Deauville.
En bis, après le retour des vents, la mezzo‑soprano offre dans l’enthousiasme général l’air « Voi che sapete », extrait des Noces de Figaro, pour revenir à Mozart et un peu au même thème finalement, celui de l’amour impossible, aboutissant à l’incompréhension et au désespoir. A l’issue, la cantatrice n’en arbore pas moins un large sourire qui fait plaisir.
Stéphane Guy
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