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L’arrière-grand-père de Franz Schubert

Paris
Philharmonie
04/06/2023 -  et 7 avril 2023
Franz Schubert : Symphonies n° 1 en ré majeur, D. 82, et n° 9 en ut majeur, D. 944
Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt (direction)


H. Blomstedt (© Mathias Benguigui/Pasco And Co)


Fin janvier, il dirigeait à Amsterdam l’Orchestre royal du Concertgebouw dans le Quatrième Concerto pour violon de Mozart et la Quatrième Symphonie de Bruckner. Début février, il était à la tête du Philharmonique de New York dans un programme Lidholm et Berlioz, avant de s’envoler pour Chicago où il dirigea l’Orchestre symphonique dans deux œuvres de Dvorák (Concerto pour violoncelle et Huitième Symphonie). Il fallait faire vite puisqu’une série de concerts d’abonnement avec le Philharmonique de Vienne l’attendait ensuite dans la capitale autrichienne, avant qu’un petit détour en Allemagne ne l’amène à diriger Stravinski (Symphonie de psaumes) et à nouveau Bruckner (Sixième Symphonie) à la tête de la vénérable Staatskapelle de Dresde. De qui parle‑t‑on ici ? D’un jeune chef aux dents longues ? D’un chef jet‑set qui accepte les invitations aux quatre coins du monde pour satisfaire son ego ? Non... On parle de Herbert Blomstedt, vénérable chef de plus de 95 ans qui est au contraire tout humilité et simplicité et qui, depuis plusieurs années maintenant, est devenu l’un des quelques chefs les plus respectés que tout orchestre veut avoir à sa tête le temps d’un concert.


C’est une chance pour nous, Français (et plus encore Parisiens), puisque Herbert Blomstedt a noué depuis très longtemps une relation privilégiée avec l’Orchestre de Paris qui l’amène à le diriger chaque année dans un programme parfois original, souvent éblouissant, toujours convaincant. On en aura de nouveau eu la preuve ce soir. Car la Première Symphonie (1813) de Schubert n’encombre guère les programmes de concert, l’Orchestre de Paris ne l’ayant pas jouée depuis 1979, date d’ailleurs de son entrée au répertoire de l’orchestre. Arrivant à petit pas au bras d’Eiichi Chijiiwa, deuxième violon solo (les deux postes de premier violon solo étant malheureusement vacants depuis la retraite de Roland Daugareil et le récent décès de Philippe Aïche), Blomstedt, certes diminué depuis une chute en juin dernier qui l’oblige désormais à diriger assis, nous en aura livré une version dominée par l’élégance. Dès l’attaque du premier mouvement, le chef d’origine suédoise aborde l’œuvre non comme une symphonie de jeunesse (Schubert avait pourtant 16 ans lorsqu’il l’acheva, Blomstedt ayant donc l’âge d’être son arrière‑grand‑père...) mais déjà comme une symphonie de la maturité, tirant de l’Orchestre de Paris un son plein, un legato somptueux où domine d’emblée une petite harmonie superlative. L’Andante est abordé avec une remarquable fluidité, sans jamais être alangui, ni statique, le chef privilégiant à l’évidence les couleurs presqu’automnales de cette musique où le mélancolique, voire le tragique, dominent sans conteste. Si le Menuet, tout droit hérité de Haydn, s’avère assez lent (on regrettera de fait le manque de contraste entre les deux parties du mouvement), on est ébloui par cette élégance racée, jamais hautaine, marque de fabrique de Blomstedt, notamment lorsqu’il dirige Bruckner. En revanche, quelle conclusion idéale avec un Allegro vivace où les cordes scintillèrent sous la houlette de Ji‑Yoon Park, première violon solo invitée pour l’occasion (elle est actuellement violon solo du Philharmonique de Radio France), aux coups d’archet francs, à l’impulsion décisive, Blomstedt économisant ses gestes pour davantage se concentrer sur les relances et l’équilibre au sein de l’orchestre.


Nous avions déjà été extrêmement séduit il y a six ans lorsque Herbert Blomstedt avait dirigé la Grande symphonie de Schubert à la tête de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig : avouons‑le tout de suite, l’interprétation de ce soir aura encore été supérieure et nous aura totalement ébloui. Contrairement à la Première Symphonie, Blomstedt aborde d’entrée la symphonie avec légèreté, voire célérité (les notes inaugurales des deux cornistes, André Cazalet et Bernard Schirrer, ne sont pas tenues comme souvent mais légèrement écourtées), donnant ainsi au premier mouvement un élan irrésistible. Le chef joue sur du velours grâce à un Orchestre de Paris véritablement transfiguré, à son meilleur comme lorsqu’il est dirigé par un chef d’exception. On entend ainsi des contrechants qu’on ne perçoit presque jamais (à la fin du mouvement, cette ligne mélodique chantée à l’identique par les contrebasses et les trois trombones, ces derniers ayant veillé tout au long de la symphonie à se fondre dans la masse avec maestria) et le fait pour Blomstedt de respecter toutes les reprises (comme dans les autres mouvements) ne nous aura ainsi jamais paru long. L’Andante con moto fut superlatif grâce au hautbois solo de Philibert Perrine (habituellement en poste à l’Orchestre de l’Opéra de Paris), l’orchestre se caractérisant à chaque instant par une clarté de jeu que la masse des cordes (une cinquantaine dont huit contrebasses tout de même) ne trouble à aucun moment. Le Scherzo est tout aussi réussi, bénéficiant là encore d’une petite harmonie irréprochable (le jeu, ne serait‑ce que visuellement parlant, du bassoniste solo Giorgio Mandolesi ayant été particulièrement incroyable) avant que le chef ne lance le dernier mouvement à bonne allure, là encore. On pourrait multiplier les points qui ont été autant de petits bijoux ; on se contentera de mentionner, par exemple, cette attaque des deux clarinettes d’un soyeux ravageur au milieu du mouvement ou certaines phrases des violoncelles.


Triomphe de l’orchestre dans une Philharmonie pleine, triomphe du chef qui, au bras de Ji‑Yoon Park cette fois‑ci, revint à trois reprises sur scène pour être justement et personnellement ovationné tant le public aura compris quel concert il venait de vivre. Pour ceux qui planifieraient dès à présent leurs futurs concerts, sachez que Herbert Blomstedt reviendra à la tête de l’Orchestre de Paris en avril 2024 ; au programme, la monumentale Huitième Symphonie de Bruckner, dont on célèbrera le bicentenaire de la naissance. Pour ce qui nous concerne, la date est d’ores et déjà cochée dans notre agenda !



Sébastien Gauthier

 

 

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