About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Les mondes de Sasha J. Blondeau

Paris
Ircam
03/17/2023 -  
Győrgy Ligeti : Quatuor à cordes n° 2
Luis Naón : Quatuor à cordes n° 3
Sasha J. Blondeau : Des mondes possibles

Quatuor Diotima : Yun‑Peng Zhao, Léo Marillier (violon), Franck Chevalier (alto), Pierre Morlet (violoncelle)
Serge Lemouton, Augustin Muller (électronique Ircam)


L. Marillier, P. Morlet, Y.‑P. Zhao, F. Chevalier


Queue de comète au « Week‑end Ligeti » organisé il y a deux semaines à la Philharmonie de Paris, le programme du Quatuor Diotima propose deux créations françaises ceinturant le célèbre Second Quatuor (1968) du Hongrois.


Ligeti a beau faire un clin d’œil au Bartók du Quatrième Quatuor à travers le troisième mouvement tout en pizzicato, il s’affranchit ici totalement de son aîné dont le souvenir hantait encore le Premier Quatuor « Métamorphoses nocturnes » (1954). Le sous‑titre, toutefois, n’aurait pas déparé ce Second Quatuor, où « une même idée musicale revient dans tous les mouvements, mais chaque fois d’une façon totalement différente ». Les Diotima ouvrent grand l’éventail des dynamiques, osent des pianissimos au seuil de l’audible dans l’incipit de l’Allego nervoso. On capte les jeux de regards complices, préambules à de soudaines fulgurances bientôt neutralisées par un unisson (Sostenuto molto calmo) : geste ligetien par excellence, à l’instar des rouages qui se dérèglent dans Come un meccanismo di precisione. Les musiciens conjuguent la précision de l’horloger et la minutie de l’entomologiste dans le final Allegro con delicatezza.


Avec ses trente‑deux minutes, le quatuor à cordes et électronique de Sasha J. Blondeau (né en 1986) s’impose comme son œuvre la plus ambitieuse à ce jours. Baptisé Des mondes possibles (2021), il convoque le champ lexical du géographe (« agencement », « territoires », « espaces », « région », etc.) pour donner à percevoir une odyssée où l’interaction entre lutherie traditionnelle et sons mixtes ne s’opèrent pas en temps réel mais par l’électronique seule – les échantillons ont été préalablement enregistrés. De là ce sentiment intermittent de deux mondes étrangers, qui s’apprivoisent progressivement. Au préalable, il y a cette entrée en matière fraternelle avec l’auditeur – la main tendue se dérobera au gré des espaces traversées. On reconnaîtra des figures récurrentes et des configurations qui reviennent dans un contexte changeant : rythmes de toccata sur quoi se greffent les crépitements de l’électronique, comme des sarments secs en combustion ; trémolos vibratiles favorisant la plasticité des textures. La concentration du geste n’empêche pas nos quatre musiciens d’y adjoindre une certaine spontanéité, une capacité à se laisser émerveiller par ce qu’ils jouent.


Luis Naón (né en 1961) recourt quant à lui à la transformation en temps réel dans son Troisième Quatuor (2023) : « J’ai voulu mettre en place trois “couches”, niveaux, ou états, d’électronique tout en gardant la réalité acoustique du quatuor intacte ». Le compositeur franco-argentin déploie un dispositif ambisonique – parfaitement adapté à l’acoustique modulable de l’Ircam – qui facilité une approche théâtral du genre, où chaque instrument agit comme un personnage. Au reste, certains archétypes sont ici explicitement conviés, jusqu’au terme de « scherzi » pour désigner deux des cinq mouvements enchaînés de l’œuvre. Frappent la mobilité de la partie électronique (le savoir‑faire de Serge Lemouton et d’Augustin Muller aidant), la versatilité des climats traversés, la sollicitation du registre aigu et des harmoniques.


Dignes pendants outre‑Manche du Quatuor Arditi, Yun‑Peng Zhao, Léo Marillier (violons), Franck Chevalier (alto) et Pierre Morlet (violoncelle) sont des cicerones de choix pour serpenter à travers ces mondes sonores riches en surprises.



Jérémie Bigorie

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com