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Un spectacle enthousiasmant Lausanne Opéra 03/12/2023 - et 15, 17*, 19 mars 2023 Daniel-François-Esprit Auber : Le Domino noir Marie‑Eve Munger (Angèle de Olivarès), Philippe Talbot (Horace de Massarena), Julia Deit‑Ferrand (Brigitte de San Lucar), François Rougier (Comte Juliano), Marie Lenormand (Jacinthe), Raphaël Hardmeyer (Gil Perez), Carole Meyer (Ursule), Laurent Montel (Lord Elfort), Maria Daher (La Tourière), Aslam Safla (Melchior)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Patrick Marie Aubert (chef de chœur), Orchestre de Chambre de Lausanne, Laurent Campellone (direction musicale)
Valérie Lesort, Christian Hecq (mise en scène), Frédérique Lombart (assistante à la mise en scène), Laurent Peduzzi (décors), Vanessa Sannino (costumes), Christian Pinaud (lumières), Glysleïn Lefever (chorégraphie), Rémy Kouadio (assistant à la chorégraphie)
(© Jean-Guy Python)
Après l’avoir annulé en 2021 pour cause de pandémie, l’Opéra de Lausanne présente en ce début d’année 2023 Le Domino noir d’Auber, dans la version imaginée par Valérie Lesort et Christian Hecq, qui a déjà fait les beaux soirs de l’Opéra de Liège en février 2018 puis de la salle Favart en mars 2018. La production a par ailleurs reçu le Grand Prix du meilleur spectacle lyrique français de 2018 décerné par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, musique et danse. Comme déjà dit ici il y a cinq ans, ce spectacle est un petit bijou : Christian Hecq, sociétaire de la Comédie-Française, et Valérie Lesort ont fait très fort pour leur première collaboration lyrique puisqu’ils ont réussi à régler de main de maître une mise en scène enjouée et alerte, truffée de trouvailles et de gags, parfaitement dans le ton de l’œuvre. Les clins d’œil s’enchaînent sans discontinuer à peine l’Ouverture entamée, à commencer par une partie de dominos jouée par cinq figurants, alors que le titre de l’opéra fait référence à un costume de bal masqué. Les nombreux quiproquos et péripéties de l’intrigue sont traités à l’avenant. C’est léger, pétillant et le trait n’est jamais forcé. Le spectacle est rehaussé par les splendides costumes pleins de fantaisie de Vanessa Sannino, qui a eu l’idée géniale d’associer chaque personnage à un animal. Tout fonctionne à merveille, sans aucun temps mort, et on rit beaucoup.
Comme à Liège et à Paris, la distribution réunie à Lausanne est exclusivement francophone, ce qui est un gage de réussite, car les nombreux dialogues parlés inhérents au genre sont toujours parfaitement compréhensibles. Marie‑Eve Munger fait merveille en Angèle pimpante et désinvolte, séduisant à la fois par ses graves chauds et corsés et par ses aigus rayonnants parsemés de vocalises virtuoses. Philippe Talbot prête sa voix claire et lumineuse ainsi que son phrasé exemplaire à un Horace de Massarena amoureux passionné. Marie Lenormand est impayable en Jacinthe, femme de ménage truculente aux rondeurs particulièrement marquées. On est séduit aussi par la Brigitte drôle et expressive de Julia Deit‑Ferrand. Laurent Montel incarne un Lord Elfort, l’attaché d’ambassade britannique, inénarrable avec son fort accent anglais. Raphaël Hardmeyer campe un Gil Perez en homme des bois rustique, alors que François Rougier, Comte Juliano raffiné au costume de paon, déclenche des fous rires chaque fois qu’il fait la roue pour plaire. On n’oubliera pas non plus le Chœur de l’Opéra de Lausanne, à la diction impeccable. Si l’Ouverture, précise et rigoureuse, a pu laisser craindre une direction musicale un peu trop placide, Laurent Campellone, à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, a su par la suite rendre l’exécution beaucoup plus légère et pétillante, pour la mettre parfaitement au diapason de la mise en scène. Il ne reste plus qu’à espérer que d’autres théâtres auront la bonne idée de reprendre cette production enthousiasmante.
Claudio Poloni
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